100 jours au pouvoir : premier bilan du gouvernement de F. Hollande

François Hollande "fêtait" hier ses 100 jours de présidence. Depuis son investiture le 15 mai 2012, le président et son gouvernement ont multiplié les interventions dans divers domaines : économie, affaires étrangères, social et éducation. Entre décrets et annonces, le gouvernement s'est également attelé au démantèlement des réformes symboliques du dernier quinquennat en supprimant par exemple la TVA sociale ou encore la défiscalisation des heures supplémentaires. Malgré cela, beaucoup dénoncent un bilan mitigé. Retour sur les 100 premiers jours de François Hollande à l'Elysée...

A peine arrivé au pouvoir, le nouveau président de la République Française a du faire face à différentes crises : économique, sociale et internationale. Pour répondre à ces problèmes, un gouvernement de crise a été formé avec notamment un ministre du redressement productif (Arnaud Montebourg). Au total, 34 ministres sont chargés d'empêcher le bateau France de chavirer.

ÉCONOMIE

Le bilan demandé par François Hollande par la cour des comptes est clair : le budget de l'état est dans une situation catastrophique. En 5 ans, la dette a explosé de près de 500 milliards d'euros. Toujours selon la cour des comptes et d'après les rapports de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) : 40% de la dette est en rapport avec la crise, 50-52% est en rapport avec les engagements antérieurs (tels que le recrutement de fonctionnaires en masse ou encore la retraite à 60 ans) et 8 à 10 % sont directement imputables au gouvernement de Nicolas Sarkozy. 

Le ministre de l’Economie Pierre Moscovici défendant
le projet de loi de Finances à l'assemblé - Photo MAXPPP
Pour faire face au déficit de la dette, l'assemblé vote un budget rectificatif qui enterre des mesures emblématiques de Nicolas Sarkozy. Ainsi, la défiscalisation des heures supplémentaire, qui bénéficiait à près de 9 millions de français, est supprimée, idem pour le projet de TVA sociale qui prévoyait entre autre une hausse de 1,6 points de TVA à 21,2%. 

7,2 milliards d'euros d'hausses d'impôts sont également annoncées. Pour ce faire, une contribution exceptionnelle est demandé aux contribuables possédant un patrimoine supérieur à 1,3 million d'euros et soumis de ce fait à l'ISF. Cette contribution, qui doit rapporter 2,3 milliards d'euros au budget de l'État cette année, est instaurée dans l'attente d'une réforme plus globale de l'ISF dans le budget 2013. L'Assemblée a également approuvé une baisse, de 159 000 à 100 000 euros par enfant, de l'abattement sur les droits de succession, c'est-à-dire la partie d'un héritage ou d'une donation exonérée des droits de mutation payés par les bénéficiaires à l'État. Les exonérations en faveur des conjoints survivants sont conservées. Enfin, les députés ont également supprimé la franchise de 30 euros imposée en 2011 aux étrangers sans papiers bénéficiaires de l'Aide médicale d'État (AME) dont le coût pour le contribuable est estimé à environ 800 millions d'euros en 2011

Au niveau des entreprises, le nouveau gouvernement a annoncé un plafonnement par décret de la rémunération des dirigeants des entreprises publiques à 450 000 euros brut par an. Après l'annonce choc de la suppression de 8 000 emplois par PSA, François Hollande a également annoncé un plan de soutien à la filière automobile axé sur les voitures "propres": le "bonus écologique" est porté de 5 000 à 7 000 euros pour les électriques, et de 2 000 à 4 000 euros pour les hybrides. Un plan qui risque de ne pas suffire car ces types de modèles n'ont pour l'instant pas un poids suffisant dans la filière pour relancer la machine de production. De plus, aucune mesure visant à réduire le coût du travail n'a été voté.

Autre mesure phare : l'encadrement des loyers. Depuis le 1er août, il s'applique lors d'une relocation ou du renouvellement du bail, dans 38 agglomérations de l'Hexagone et de l'outre-mer : Paris, Lyon, Marseille ou Nice, mais aussi dans de plus petites communes comme Forbach (Moselle) ou Annemasse (Haute-Savoie). Une mesure qui risque d'être difficile à mettre en place en dehors des grandes agglomérations (Paris et Lyon), car très peu de villes sont pour l'instant dotées d'un observatoire des prix de l'immobilier, pourtant nécessaire pour une régulation des loyers. Un système complexe à mettre en place car un observatoire doit pouvoir différencier les prix entre un quartier riche et un quartier populaire sans faire de généralisation.

Dernière mesure économique, l'abrogation de la loi augmentant de 30 % les droits à construire, adoptée à la fin du quinquennat Sarkozy, qui visait à favoriser la densification. Cette suppression va pourtant à l'encontre des politiques écologiques que souhaitent mettre en place le principal allié du parti socialiste : EELV. En effet, la réduction de la densité (par l'étalement urbain) oblige au recours de l'automobile et rend difficile la création de réseaux de transports en commun, ce qui contribue inévitablement à une hausse de la pollution. 

A noter que certaines grandes mesures ont tout bonnement été repoussées : c'est le cas de la réforme du système bancaire (séparation des banques d'affaires et de dépôt) ou encore de la hausse de l'impôt sur le revenu à 75%. Certaines ont carrément été abandonnées, notamment la taxe sur les transactions financières au niveau mondial. Le président, tout comme Nicolas Sarkozy quelques mois plus tôt, n'a pas réussi à convaincre les autres nations de la mise en place de cette taxe. 

Enfin, alors qu'Arnaud Montebourg tente de sauver les industries françaises, François Hollande s'est engagé durant le G8 de Camp David, à lutter contre toutes formes de protectionnisme économique.

POLITIQUE

La moralisation de la vie publique était une des promesses de campagne de F. Hollande. Pour cela, une commission sur la rénovation et la déontologie de la vie politique a été créée, présidée par Lionel Jospin. Le décret n° 2012-875 indique que la commission peut entendre ou consulter toute personne de son choix. 34 ont déjà été nommés. Il semblerait que les membres de cette commission aient choisi de tous travailler bénévolement. 

A noter également que tous les ministres ont signés une Charte de déontologie concernant le patrimoine, le non cumul des mandats et les déplacements...

DIPLOMATIE ET DÉFENSE

François Hollande au sommet de l'Otan de Chicago en
Mai 2012. Il y exposera notamment son plan de
retrait des troupes françaises d'Afghanistan - 
Reuters Yoan
Valat / Pool

C'était une mesure phare du programme socialiste : le retrait des troupes d'Afghanistan avant 2012. Une promesse qui ne sera pas totalement tenue, puisque seuls les soldats combattants partiront avant la fin de l'année, soit un peu plus de la moitié de l'effectif. Les troupes restantes, mises en danger par la réduction des effectifs (français et étrangers), seront chargés de poursuivre la formation de l'armée Afghane.

Sur la question de la Syrie, accusé d'inertie par la droite, François Hollande privilégie la voie diplomatique. Il a réuni une centaine de pays occidentaux et arabes lors de la conférence des Amis de la Syrie à Paris le 6 juillet et a décidé d'envoyer un hôpital de campagne à la frontière jordanienne. Au Mali, le président qui voulait en finir avec la France-Afrique, s'est plusieurs fois prononcé pour une intervention dans le cadre de l'Union africaine et des Nations unies.

En Europe, tout en appelant à renforcer "la relation incontournable" entre la France et l'Allemagne, François Hollande a démontré sa volonté de sortir de ce traditionnel tête-à-tête, en appuyant notamment lors du sommet européen de Bruxelles des 28 et 29 juin les revendications de l'Italie et de l'Espagne face à la chancelière Angela Merkel.

Enfin, le président a commis une "petite" bourde, puisqu'il a été surpris le 29/7 par une journaliste de l'AFP, durant une rencontre secrète avec le roi du Bahreïn, un dictateur qui réprime actuellement dans le sang les manifestations dans son pays.

SOCIAL

C'était l'une de ses principales promesses de campagne : le retour de la retraites à 60 ans. Par le décret du 2 juillet, et pour une entrée en vigueur le 1er novembre, il sera désormais possible de partir en retraite à 60 ans si l'on a commencé sa vie active avant vingt ans et si l'on dispose des annuités requises. Le coût de cette mesure est de 1,1 milliard en 2013 et de 3 milliards en 2017. Elle sera financé par un relèvement étalé sur cinq ans de 0,25 point de la cotisation employeur et du même montant pour la cotisation salarié. Cette mesure ne devrait cependant concerner que 100 000 salariés par an selon le journal les Echos.  

Le nouveau gouvernement a également décidé de donner un petit coup de pouce au Smic avec une légère augmentation de 2 % au 1er juillet. Le coût, 500 millions d'euros, est à la charge de l'État et des administrations publiques. Le smic atteint ainsi 1 425,67 euros brut pour 35 heures hebdomadaires. En parallèle, le Projet de loi de finances rectificative pour 2012, validé il y a 4 jours par le Conseil constitutionnel, prévoie une augmentation de 2 points de la CSG à 15,5%

Enfin, l'ARS (Allocation de Rentrée Scolaire), augmentera de 25 %. Coût : 370 millions d'euros.

ÉDUCATION

L'une des premières annonces en terme d'éducation est l'allongement des vacances de la Toussaint sur deux semaines pleines, avec deux jours de classe récupérés dans l'année. Le gouvernement à par ailleurs assurer le recrutements de 1 000 professeurs dans le primaire, 75 conseillers principaux d'éducation, 280 professeurs dans le secondaire, 500 assistants de prévention et de sécurité, 2 000 assistants d'éducation, ainsi que 1 500 auxiliaires de vie scolaire pour accompagner les élèves handicapés. 12 000 contrats uniques d'insertion dans les établissements seront également signés, tandis que 14 700 contrats de ce type arrivaient à échéance cet été.

La prise en charge des frais de scolarité sans conditions de ressources pour les lycéens français scolarisés à l'étranger, mise en place par Nicolas Sarkozy est supprimée. Désormais, des bourses seront attribuées sur critères sociaux.

Enfin, une hausse de 2,1 % des bourses étudiantes a été annoncée et les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont été lancées. 3 thèmes prioritaires y seront débattus : la réussite de tous les étudiants, en particulier ceux du premier cycle ; la réorganisation de la recherche, son rôle, ses institutions, et sa stratégie internationale ; et la révision de la gouvernance des établissements d'enseignement supérieur et des politiques de sites et de réseaux. 

JUSTICE

La garde des sceaux est au coeur 
d'une  polémique qui fait déjà 
grand bruit.
La nouvelle loi contre le harcèlement sexuel a été votée par le parlement à l’unanimité, suite à l'abrogation de l'ancien texte de loi par le Conseil constitutionnel le 4 mai. La nouvelle législation prévoie 3 niveaux de gravité du délit : harcèlement "simple", "aggravé" et "avec circonstances aggravantes". Pour les deux premiers niveaux, la loi prévoit deux ans de prison et 30.000 euros d'amende ; pour le dernier, trois ans et 45.000 euros.

Le ministère de la justice est par ailleurs d'ores et déjà au coeur d'une polémique. La ministre de la Justice, Christiane Taubira a en effet relativisé l'intérêt des Centres éducatifs fermés (CEF) et des courtes peines de prison. Critiquée pour son opposition aux tribunaux correctionnels pour mineurs instaurés par Nicolas Sarkozy, elle a subi début août les foudres de l'UMP, du Front national et du syndicat Alliance Police Nationale. La ministre a dénoncé le "fantasme" selon lequel les CEF constitueraient "la" solution pour les jeunes délinquants alors que François Hollande avait promis d'en doubler le nombre. 

SÉCURITÉ

Le gouvernement a annoncé la création de quinze "zones de sécurité prioritaire" (ZSP) : à Bagne (Cayenne), mais aussi en banlieue (Les Mureaux, Corbeil-Essonnes, Amiens), au diable Vauvert, à Uckange (en Moselle), dans le grand Sud (Lunel et Gardanne) ou encore à Lille. Le but est de "mettre en place une action de sécurité renforcée sur des territoires bien ciblés, caractérisés par une délinquance enracinée et de fortes attentes de la population" d’après le Ministre de l’Intérieur Manuel Valls. Quarante à cinquante autres ZSP devraient être définies. Les ZSP viennent s'ajouter aux actuelles ZEP. 

CULTURE

Pour la culture, plusieurs mesures ont été prises. Ainsi, le livre et le spectacle vivant seront à nouveau taxé à hauteur de 5,5%. Le relèvement à 7 % avait été décidé en novembre 2011. 23,5 millions d'euros seront également débloqués pour le spectacle vivant, prévus dans le budget 2012 mais gelés par l'équipe précédente. Un moratoire pour la Maison de l'histoire de France, voulue par Nicolas Sarkozy sur le site parisien des Archives nationales et prévue en 2015, a également été prononcé. 

La fusion de France 24 et RFI, décidée par le gouvernement
précédent, n'aura pas lieu.
Enfin, la décision d'en finir avec la fusion RFI-France 24 au sein de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF) a été prise. Le gouvernement précédent avait décidé de fusionner les deux médias afin de doter la France d'une force de frappe susceptible de rivaliser avec Al Jazira, la BBC ou CNN. L'objectif consistait à rassembler  les moyens financiers  pour servir la même cause avec plus d'efficacité. Comme le souhaitait d'ailleurs Jacques Chirac quand il a décidé de créer une chaîne d'information internationale (France 24). Les conséquences de cette séparation sont déjà connues. Les journalistes de RFI ne pourront plus travailler en osmose avec ceux de France 24 selon les syndicats. Les correspondants de la radio ne seront plus mis à contribution par la chaîne d'information pour apporter leur expertise ou réaliser un reportage. Pour compenser cette perte rédactionnelle, France 24  sera  contrainte d'embaucher des  journalistes à l'étranger pour assurer une couverture homogène non seulement en Afrique (où RFI est écoutée par 25 millions d'Africains, selon les derniers sondages), mais aussi en Asie comme en Amérique Latine.

CONCLUSION

Le bilan de ces 100 premiers jours de mandat est plutôt mitigé. Le chômage a continué d'augmenter ces derniers mois et l'INSEE a annoncé en début de semaine que la croissance du PIB français serait nulle ce trimestre. La France à malgré cela eu la "chance" ces derniers mois, de pouvoir emprunter à plusieurs reprises à taux zéro. Les marchés financiers ont en effet salué les mesures du nouveau gouvernement destinées à réduire la dette (notamment par un début d'austérité). 

Dans l'ensemble, le président Hollande s'est contenté de démanteler les principales réformes de son prédécesseur UMP, et de quelques mesurettes. Certaines promesses de campagne n'ont pas été ou pas complètement été appliquées. En effet, les troupes ne seront pas complètement retirées d'Afghanistan, la réforme des banques a été repoussée, la taxe Tobin appliquée à l'échelle planétaire est passée aux oubliettes et les français n'ont encore pas eu droit à un gel des carburants dont le coût pour le contribuable est estimé à 4 milliards d'euros par an. Enfin, il est peu probable que les augmentations d'effectifs dans l'éducation nationale atteignent les chiffres annoncés pendant la campagne, soit 60 000 professeurs supplémentaires. 

Les premiers échecs du président et les promesses non tenues lui valent une perte d'opinion favorable auprès du public. En effet, à en croire un sondage Ifop, se sont 54% de Français qui se disent "mécontents" de la politique du nouveau président

Samuel Cour

1 commentaire:

  1. Ce résumé est faussement neutre, parce que vous ne pouvez pas résister à des jugements de valeur que vous ne percevez même pas. Une idéologie, en somme.

    Hollande et Ayrault n'ont jamais prétendu avoir les 100 jours comme objectif. À gauche on évite de parler comme un bonimenteur à la foire, ou un publicitaire à la télé, du genre : la bonheur en seulement 100 jours ! Soit… 5 % du quinquennat.

    On peut aussi justifier cela économiquement et politiquement. Si 50% de la dette sont dûs à de coûteux et vieux symboles de la protection sociale, ils ne tomberont pas vite, parce que dans un monde un chouïa juste, y toucher demande aux gouvernants d'avoir une bonne excuse, du genre : on a une contrepartie équitable.

    Une partie des pauvres a un pouvoir de ne pas se faire écraser ; une certaine presse s'en plaint beaucoup.

    Je ne peux pas m'empêcher d'être pointilleux :

    - La taxe Tobin sera appliquée dans toute l'Europe gréco-latine, en Allemagne, Autriche, Belgique et Finlande, et les frileux au Nord et à l'Est pourraient nous rejoindre après des alternances. L'argument de la taxe mondiale n'est pas audible, parce que ceux qui la profèrent sont dans chaque scénario dans une logique de prébendiers… ça passe pour un noble défaitisme mais c'est ignoble
    - Il faut lire la fiche sondage. Le Figaro a pour but qu'un minimum de ses lecteurs ne pense que Hollande>Sarkozy. Il faut en outre préparer les esprits populaires à la réforme.
    Or c'est visiblement commandé pour imposer le doute hypersceptique au lectorat. Les Français ne se disent pas mécontents mais "plutôt mécontents" (38%) et "plutôt satisfaits" (43%), ce sont les extrêmes (16 très mécontents et 3 très satisfaits, on devine pourquoi) qui font la différence.
    D'ailleurs la question était : 100j après êtes vous satisfait ou mécontent ? Comment être satisfait (= satiété faite) cent jours après, c'est une contradiction dans les termes :)

    Évitez aussi d'inventer des dates de retrait d'Afghanistan ou des réformes ralenties là où il n'y en a pas (www.lafinancepourtous.com/Actualites/La-reforme-bancaire-sur-les-rails). Là je crois que vous étiez surtout en manque d'idées pour peser le contre au sujet des 100 premiers jours, mais vous savez, le pessimisme ambiant y suffit.

    Mais il n'y a pas meilleure nouvelle pour l'avenir que de voir un autre jeune Français ne se préoccuper que des informations qui font sens. Pour cela merci !

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