L'Union européenne face au casse-tête de son budget

Le Royaume-Uni a averti jeudi ses partenaires européens qu'il se battrait pour obtenir une réduction du budget commun de 2014 à 2020, peu avant le début d'un sommet qui pourrait avoir des conséquences sur l'avenir des relations entre Londres et l'UE. Les négociateurs de l'Union européenne affirment qu'un compromis est possible lors de ce Conseil européen qui commencera à l'heure du dîner, précédé par des rencontres bilatérales entre le président du Conseil Herman Van Rompuy et les 27 chefs d'Etat et de gouvernement...

Mais des concessions trop importantes au Royaume-Uni risquent de raidir les positions des autres pays, dont la France, qui veulent préserver un budget ambitieux, un enjeu d'environ 1.000 milliards d'euros. Le Premier ministre britannique David Cameron n'a pas caché à son arrivée à Bruxelles qu'il n'hésiterait pas à utiliser son droit de veto pour parvenir à ses fins. "Au moment où nous prenons des décisions difficiles au niveau national sur les dépenses publiques, ce serait une erreur, c'est une erreur, d'avoir des propositions pour des dépenses supplémentaires au niveau européen", a-t-il dit.

"Donc nous allons négocier très durement pour avoir un bon compromis pour les contribuables britanniques et pour les contribuables européens et afin de garder le rabais britannique", a-t-il ajouté.

Les dirigeants européens se préparent donc à une réunion marathon qui pourrait se prolonger, selon les plus pessimistes, jusqu'à dimanche mais qui pourrait s'arrêter vendredi si un compromis paraît hors de portée à ce stade.

Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, estime que les positions ne se sont pas suffisamment rapprochées pour parvenir rapidement à un accord et que Londres détient la clé de négociations qu'il annonce "très dures". "Je ne peux pas imaginer comment nous pourrions les convaincre (les Britanniques), mais il va falloir les convaincre", a-t-il souligné.

La position britannique et le montant de l'enveloppe pluriannuelle ne constituent qu'une partie du problème, car au-delà des coupes budgétaires proposées, c'est aussi la répartition de l'effort qui divise les Européens. Les membres les plus récents de l'Union, comme la Pologne, s'accrochent aux fonds de cohésion - environ un tiers de l'enveloppe globale - qui leur ont permis de se moderniser.

La France, qui leur a apporté son soutien, a de son côté beaucoup à perdre d'une diminution du budget de la Politique agricole commune (PAC), qui constitue un autre tiers du budget - et juge inacceptables les réductions envisagées. D'autres pays estiment que le budget européen doit répondre aux défis du moment et estiment que l'agriculture absorbe trop de fonds au détriment, par exemple, de la recherche.

La France, l'Italie et d'autres pays veulent enfin que soient revus à la baisse, outre le "chèque britannique" arraché de haute lutte par Margaret Thatcher en 1984, les "rabais" accordés depuis à l'Allemagne, aux Pays-Bas ou à la Suède et qui augmentent d'autant leurs propres contributions.

Le leader conservateur propose de réduire jusqu'à 150 milliards d'euros les dépenses de l'UE par rapport à l'enveloppe de 1.033 milliards initialement proposée par la Commission, alors que Herman Van Rompuy propose une baisse de 75 milliards. Le chiffre précis du budget global diffère selon que l'on y incorpore des montants qui n'en font généralement pas partie, une ingénierie financière courante dans les sommets européens. Paris et Berlin pourraient s'accorder sur une baisse d'environ 100 milliards d'euros et tenter de rallier d'autres Etats membres à cette position intermédiaire, dit-on à Paris.

Mais l'écart avec Londres, qui a des alliés en Suède et aux Pays-Bas, semble infranchissable car les Britanniques défendent aussi bec et ongles leur rabais qui représente aujourd'hui près de quatre milliards d'euros par an. 

David Cameron, dont le pays s'est placé à l'écart de nombreux volets de la construction européenne, dont l'euro et la coopération policière, fait planer la menace d'un véritable divorce, puisqu'il envisage d'organiser d'ici 2015 un référendum sur les liens entre Londres et l'Union européenne. Le travailliste Ed Miliband l'accuse de conduire "par somnambulisme" la Grande-Bretagne vers la sortie de l'UE. Confronté à une vague d'euroscepticisme dans son parti et à la pression de sondages montrant une majorité de Britanniques hostile à l'UE, David Cameron campe sur ses positions.

Le flegme apparent avec lequel les dirigeants britanniques laissent entrevoir une possible sortie de leur pays de l'Union tout en multipliant leurs exigences suscite l'ire de capitales comme Berlin mais aussi d'élus européens. "Ils ne peuvent pas nous dire à la fois 'je me sens tellement mal à l'aise dans cette famille que j'envisage d'en sortir en 2015 mais d'ici là, je demande une réduction des dépenses budgétaires'", estime ainsi Alain Lamassoure, président UMP de la commission budgétaire du Parlement européen.

A défaut d'un accord unanime, ce sommet pourrait au moins permettre de dégager les éléments d'un futur compromis et de constituer une majorité autour d'un début de position commune.

Du reste, la solution en cas d'échec ne serait pas si mauvaise pour l'Union européenne : on reconduirait tout simplement à partir de 2014 le budget de 2013, ce qui impliquerait une stabilité, et non une réduction.

Source : Reuters

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