Deux amendements ont été votés hier soir au Parlement. Le premier permettra un accès plus aisé aux classes préparatoires pour les jeunes issus de milieux modestes, mais le second met fin à la gratuité de ce cursus. Si la gauche défend son projet comme une mesure juste visant à financer les fonds pour les boursiers, l'opposition quant à elle s'insurge...
C'est peu après minuit, dans la nuit de jeudi 23 à vendredi 24 mai, que Vincent Feltesse et Jérôme Guedj, députés PS, ont réussi à faire adopter par l'Assemblée nationale, avec l'appui du gouvernement et du parti centriste UDI, un amendement qui ouvre un nouveau droit aux lycéens. "Nous savons que 150 lycées, sur les 2 200 de France, n'envoient aucun élève en classes préparatoires, où il y a pourtant 7 000 places non pourvues. Nous voulons combattre l'autocensure qui fait que de bons lycéens ne s'autorisent pas à postuler à des cursus sélectifs et lutter contre la ségrégation sociale et spatiale", a plaidé M. Guedj.
La mesure consiste donc à demander aux recteurs d'académie, une fois les résultats du bac publiés, de vérifier que tous les élèves qui ont obtenu de bonnes notes ont bien bénéficié du droit d'accès à une formation où une sélection est opérée. Ce dispositif innovant devra être précisé par un décret qui fixera le pourcentage minimal de places réservées à ces élèves et le niveau des notes requis.
Un autre amendement, toujours présenté par M. Feltesse, aussi rapporteur de la loi, a été adopté, cette fois contre l'avis du gouvernement. Il met fin à la gratuité des études en classes préparatoires en demandant des droits d'inscription d'un montant symbolique (à titre d'exemple, les frais universitaires, en première année, s'élèvent à 181 euros).
"L'origine sociale des élèves de classes prépas est particulièrement favorisée, puisque 51 % d'entre eux ont des parents cadres supérieurs ou exerçant des professions intellectuelles. Or, le coût moyen dépensé par la collectivité, par élève de classe prépa, est de 15 240 euros par an, contre 8 080 euros à l'université", a argumenté M. Feltesse. "C'est une mesure symbolique, qui rapportera quelques millions d'euros et alimentera un fonds pour les boursiers."
L'opposition a été un peu prise de court par cet amendement surprise : "C'est une fausse bonne idée, que vous nous présentez au milieu de la nuit", a rétorqué Patrick Hetzel, député (UMP) d'Alsace, qui, tablette graphique en main, a rappelé que "même dans les lycées où il y a plus de 65 % d'élèves issus de milieu modeste, les 5 % en tête de classes sont des lycéens de milieu aisé. "Vous allez ainsi renforcer la discrimination que vous croyez combattre".
"Au contraire, ont répondu MM. Feltesse et Guedj, en ouvrant ce droit d'accès à tous, nous enrayerons le phénomène d'évitement des lycées ruraux, périphériques ou des zones urbaines sensibles." "Nous remettons en route l'ascenseur social et, dans la mesure où ce nouveau droit s'applique dans tous les lycées de France, il n'y aura pas de stigmatisation comme l'effet ZEP", renchérissait la députée (SRC) Marie-Françoise Bechtel, qui fut, entre 2000 et 2002, directrice de l'ENA.
A l'issue du vote, M. Feltesse confiait au Monde que cette mesure "est un débat déjà ancien, puisque le Parti socialiste, Manuel Valls, Jean-Marc Ayrault et François Hollande l'avaient incluse dans une proposition de loi déposée en 2005".
La mesure passe cependant très mal auprès des enseignants concernés : "Ce n'est pas un amendement symbolique, mais un amendement punitif, construit sur des idées reçues", s'indigne déjà Sylvie Bonnet, présidente de l'Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques.
Source : Le Monde
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