Les ministres des Finances de la zone euro ont recommandé lundi à Chypre d'exonérer les petits épargnants d'une taxe sur les dépôts bancaires, à la veille d'un vote parlementaire crucial pour le renflouement financier de l'île. Le fait que Nicosie ait annoncé durant le week-end qu'une taxe serait imposée sur les dépôts bancaires, dans le cadre d'un renflouement de 10 milliards d'euros de l'Union européenne, avait rompu avec l'usage voulant que les déposants soient épargnés systématiquement...
Cette annonce a déplu aux marchés boursiers de part et d'autre de l'Atlantique et a pesé sur l'euro, ravivant les craintes d'un regain de crise dans la zone euro, ainsi qu'aux Chypriotes eux-mêmes, venus manifester en masse devant un Parlement placé sous haute surveillance.
Les résidents chypriotes s'étaient rués sur les distributeurs de billets dimanche pour tenter de retirer le maximum de fonds de leurs comptes. Les établissements bancaires étaient fermés lundi, jour férié à Chypre, et ils le resteront mardi et mercredi, mesure destinée à "préserver la stabilité du secteur financier", lit-on dans le communiqué des ministres des Finances de la zone euro.
Le communiqué publié par l'Eurogroupe lundi soir à l'issue d'une téléconférence met l'accent sur le fait que "les petits déposant doivent être traités différemment des grands déposants". Il réaffirme "l'importance de garantir pleinement les dépôts inférieurs à 100.000 euros".
Les ministres des Finances de la zone euro soulignent également que le "prélèvement de stabilité sur les dépôts est une mesure exceptionnelle". "Cette mesure, avec le soutien financier international, sera employée pour rétablir la viabilité du système bancaire chypriote et ainsi préserver la stabilité financière de Chypre", ajoutent-ils.
Selon de hauts fonctionnaires européens, l'Eurogroupe se prononce par ailleurs pour une taxe de 15,6% pour les dépôts au-delà de 100.000 euros. L'accord original passé samedi à Bruxelles prévoit de taxer à 6,7% les dépôts inférieurs à 100.000 euros et à 9,9% les dépôts au-dessus de ce seuil. Une part importante de ces gros comptes est détenue par des ressortissants russes, dont Chypre est devenue une destination bancaire très prisée.
Si Nicosie acceptait la nouvelle répartition, Chypre lèverait toujours 5,8 milliards d'euros à partir de ce prélèvement, comme prévu, selon une source du ministère des Finances grec. "Tous les ministres de l'Eurogroupe ont dit aujourd'hui qu'ils souhaitaient qu'il n'y ait pas de taxe en deçà de 100.000 euros mais on ne peut pas obliger un pays à ne pas le faire", a dit la source grecque à Reuters.
"Chypre ne veut pas imposer une lourde taxe au-dessus de 100.000 parce que l'argent partira. Les deux tiers des dépôts sont étrangers".
Le texte du communiqué de l'Eurogroupe précise que Chypre "instaurera plus de progressivité dans ce prélèvement exceptionnel si l'on compare à ce qui avait été convenu le 16 mars". Mais à la condition qu'il respecte l'objectif de réduction de l'enveloppe financière et "de ce fait n'ait pas d'impact sur le montant global de l'assistance financière allant jusqu'à 10 milliards d'euros".
Le président du parlement a déclaré que le débat sur la taxe bancaire serait repoussé à 16h00 GMT mardi, afin de donner plus de temps à un éventuel consensus. Selon la source des Finances grecque, le vote aura bien lieu mardi comme prévu.
La zone euro avait déjà laissé entendre que modifier le projet de taxation serait acceptable pour autant que le prélèvement qui en sera issu soit préservé en valeur. "L'important c'est que la contribution financière de 5,8 milliards d'euros subsiste", avait dit Jörg Asmussen, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), qui a joué un rôle crucial lors des négociations du week-end.
Le président chypriote Nicos Anastasiades, un conservateur élu voici trois semaines, a déclaré à la télévision que cette taxe était une alternative à une banqueroute sans merci. C'est une mesure douloureuse mais qui "en définitive stabilisera l'économie et débouchera sur la reprise".
Cela étant, un oui du Parlement, qui compte 56 membres, est loin d'être acquis car aucun parti n'a la majorité absolue. Trois formations politiques ont dit tout de go qu'elles ne voteraient pas la taxe. "Dans les faits, on demande au parlement de légitimer une décision visant à voler purement et simplement les déposants, à l'encontre de toute loi, qu'elle soit écrite ou pas", a dit Yiannakis Omirou, chef du petit Parti socialiste. "Nous refusons de souscrire à cela".
L'une des choses qu'ont redouté les marchés lundi c'est que le projet chypriote fasse tache d'huile. Le pire des scénarios serait en effet que les déposants de pays plus importants se mettent à leur tour à retirer leur argent des banques, notamment dans les pays "périphériques" jugés les plus fragiles.
Pour autant, les marchés boursiers n'ont pas paniqué et l'euro a refait son retard sur le dollar.
Vilipendé à Nicosie, le plan de sauvetage est aussi critiqué à Moscou, qui joue un rôle clé dans le dossier. La Russie a prêté il y a deux ans 2,5 milliards d'euros à Nicosie, un prêt qui pourrait être prolongé en complément du plan de sauvetage.
Mais le Kremlin semble irrité par la taxation des dépôts, qui risque de coûter cher à certaines grosses fortunes russes. Selon le porte-parole du président russe Vladimir Poutine, ce dernier a déclaré que "cette décision, si elle était prise, serait injuste, non professionnelle et dangereuse".
Le secrétaire du Trésor américain Jack Lew, qui s'est entretenu avec ses homologues de l'UE, suit la situation de près et espère en une solution "juste", a fait savoir Washington de son côté.
Source : Reuters
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