Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, pièce maîtresse du gouvernement français, a démissionné mardi après l'annonce de l'ouverture d'une information judiciaire sur un éventuel compte bancaire qu'il aurait détenu illégalement en Suisse. Cette mise en cause est intervenue alors que le ministre était en pleine préparation d'un plan d'austérité pour 2014, et à la veille du vote d'une motion de censure par l'opposition de droite, qui n'a toutefois aucune chance d'être adoptée...
Jérôme Cahuzac sera remplacé par Bernard Cazeneuve, qui occupait les fonctions de ministre délégué aux Affaires européennes. Ce dernier cède sa place à Thierry Repentin, jusqu'ici ministre délégué à la Formation professionnelle, dit la présidence de la République dans un communiqué.
"Je remercie Jérôme Cahuzac pour l'action qu'il a conduite depuis mai 2012 comme ministre du Budget pour le redressement des comptes de la France. Il l'a fait avec talent et compétence", écrit le président François Hollande. "Je salue la décision qu'il a prise de remettre sa démission de membre du gouvernement pour mieux défendre son honneur", ajoute le chef de l'Etat.
Jérôme Cahuzac explique dans un communiqué qu'il a décidé de présenter sa démission "par respect pour le bon fonctionnement tant du gouvernement que de la justice". "Cela ne change rien ni à mon innocence ni au caractère calomniateur des accusations lancées contre moi et c'est à le démontrer que je vais désormais consacrer toute mon énergie", ajoute-t-il.
A Matignon, on dit que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à son retour de Rome où il a assisté à l'intronisation du pape François, a eu un entretien avec Jérôme Cahuzac, qui l'a informé de sa décision de démissionner et lui a dit vouloir assurer sa défense et ne pas gêner l'action du gouvernement.
"Jean-Marc Ayrault regrette son départ mais comprend sa décision courageuse", dit-on à Matignon. "Bernard Cazeneuve est un spécialiste du budget, il est en plus spécialiste des affaires européennes, cela n'a échappé à personne", ajoute-t-on.
Des élus de la majorité ont dit avoir vécu comme un "coup de massue" l'annonce de ce rebondissement judiciaire, le ministre ayant toujours nié avec force avoir détenu un compte en Suisse.
Le parquet de Paris avait ouvert dans la journée une information judiciaire contre X, notamment pour blanchiment de fraude fiscale, visant le ministre socialiste. Une enquête de police lancée en janvier dernier visait jusque-là à déterminer si Jérôme Cahuzac avait ou non détenu un compte en Suisse afin de dissimuler des revenus au fisc.
Le parquet a finalement estimé que seul un juge d'instruction était à même de mener des investigations suffisamment contraignantes pour percer le secret bancaire en Suisse, mais aussi à Singapour, où ce compte aurait pu être transféré.
L'affaire est partie de la diffusion, en décembre, par le site d'information Mediapart d'une bande sonore dans laquelle un homme supposé être Jérôme Cahuzac évoquait en 2000 un compte en Suisse à la banque UBS. Depuis, le ministre du Budget a démenti à de nombreuses occasions avoir détenu pareil compte, y compris devant l'Assemblée nationale.
L'analyse par les enquêteurs d'un enregistrement dans lequel un homme présenté comme Jérôme Cahuzac évoquait lui-même en 2000 un compte suisse a toutefois conforté l'hypothèse selon laquelle il s'agissait bien du ministre. Dans un communiqué, le parquet de Paris dit que la bande n'a subi "aucune altération ou modification" et que trois témoins ont reconnu la voix du ministre.
Les experts ont également indiqué que leur analyse renforçait l'hypothèse que Jérôme Cahuzac était le "locuteur inconnu" s'exprimant sur cette bande, ajoute-t-il.
Le parquet précise que l'enquête contre X vise des chefs de blanchiment de fraude fiscale, perception par un membre d'une profession médicale d'avantages procurés par une entreprise dont les services ou les produits sont pris en charge par la sécurité sociale, blanchiment et recel de ce délit. Jérôme Cahuzac était alors chirurgien, avant d'ouvrir pendant quelques années avec son épouse une clinique capillaire à Paris.
Source : Reuters
©Crédit photo : REUTERS/Charles Platiau
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