Après la "règle d'or", le grand saut fédéral ?

La France s'apprête à ratifier le pacte européen de stabilité budgétaire, premier pas potentiel vers la création d'une véritable union politique et économique voulue par Berlin mais accueillie avec toujours autant de réticences à Paris. La fracture du "non" à la Constitution européenne, qui avait particulièrement déchiré le Parti socialiste en 2005, est toujours ouverte en France et les partisans des deux camps utilisent aujourd'hui les mêmes arguments qu'à l'époque...

Ce schisme nourrit les débats sur le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui sera présenté mercredi en conseil des ministres avant son examen à partir du 2 octobre par le Parlement, même si les divisions au sein de la gauche ne devraient pas empêcher son adoption.

"Il y a une dimension passionnelle du débat européen en France", a reconnu mardi le ministre français des Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, qui multiplie les rencontres avec les récalcitrants pour les convaincre de se rallier au TSCG.

Pour le Front de gauche, une partie du PS et bon nombre d'écologistes, ce texte est synonyme d'austérité sans fin imposée par l'Allemagne et de perte de souveraineté, notamment par la "règle d'or" interdisant les déficits publics.

"Les appels à la discipline ne feront pas taire le débat qui traverse la gauche, et qui la traverse depuis 2005", a ainsi déclaré la semaine dernière le secrétaire national du Parti communiste français, Pierre Laurent. La "gauche de la gauche" appelle donc à une mobilisation contre le TSCG avec pour point culminant une grande manifestation le 30 septembre.

Mais le Conseil constitutionnel a retiré une énorme épine du pied du gouvernement en décidant le 10 août qu'une révision de la Constitution n'était pas nécessaire pour adopter la règle d'or, un projet de loi organique suffisant à la tâche.

Les centristes et une partie au moins de l'UMP ont déjà annoncé qu'ils voteraient pour un texte que Nicolas Sarkozy avait négocié, même si François Hollande affirme qu'il est parvenu à y ajouter un volet croissance dont l'essentiel des mesures était déjà prévue avant son arrivée au pouvoir.

"Le traité européen sera en vigueur d'ici la fin de l'année", explique un membre de l'entourage du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui n'envisage même pas un échec. Reste, pour l'exécutif, un test pour son autorité si les écologistes présents au gouvernement faisaient bande à part au Parlement - leurs députés hésitent actuellement entre abstention et vote contre, ce que tente d'éviter le gouvernement.

"Le TSCG est loin d'être formidable, mais sa ratification fait partie d'un compromis. Il serait donc souhaitable de ne pas s'y opposer lors du vote de ratification", déclare dans Les Echos de mardi Pascal Canfin, ministre du Développement. Mais le pacte budgétaire européen n'est que la partie émergée de l'iceberg et ce dernier pose beaucoup plus de problèmes puisque c'est l'ensemble du gouvernement, François Hollande en tête, qui est confronté à un choix difficile.

Pour la chancelière allemande Angela Merkel, l'adoption de la "règle d'or" interdisant les déficits n'est pas une faveur faite à l'Allemagne, mais une condition sine qua non à sa solidarité et à la réalisation d'une union bancaire.

Elle entend aller très vite pour compléter l'architecture politique et économique de la zone euro. "On ne partage pas l'euro sans savoir comment le gérer", souligne un diplomate allemand, selon lequel Angela Merkel fera campagne pour sa réélection en 2013 sur ce thème.

C'est la raison pour laquelle elle entend obtenir la création en 2013 d'une convention chargée de réviser les traités européens dans le cadre des tractations en cours sous l'égide du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a quant à lui évoqué la semaine dernière la création d'une "fédération d'Etats-nations" par la révision des traités. Mais, pour la France, se lancer aussi tôt dans un nouvel exercice de ce type est exclu, d'autant plus que, selon un diplomate, "l'union politique allemande est d'abord une union de bonne gouvernance économique".

Bernard Cazeneuve estime que l'opinion publique française n'est pas prête à accepter un nouvel approfondissement de l'intégration si l'Europe ne parvient pas à faire la preuve de son efficacité en relançant notamment la machine économique. "Nous avons un désamour des citoyens vis-à-vis de l'Union européenne", a-t-il dit mardi à des journalistes en citant un sondage Ifop publié lundi dans Le Figaro qui montre que 64% des Français voteraient aujourd'hui contre le traité de Maastricht, approuvé de justesse en 1992 par référendum en France. "Il ne faudrait pas entrer dans une démarche qui consisterait à proposer un grand soir institutionnel", a-t-il ajouté. "Il faut nous montrer capables dans l'urgence de répondre à la crise."

Selon lui, beaucoup peut être fait dans le cadre des traités actuels, comme la création d'une union fiscale, bancaire, sociale et économique, tout en stimulant la croissance par le biais de grands projets structurants. Pour autant, la porte n'est pas totalement fermée à une éventuelle révision des traités actuels. 

"S'il faut aller au-delà de cela (...), alors la France est prête à faire ce saut", a expliqué Bernard Cazeneuve en reconnaissant des "différences" avec l'Allemagne. "Les Allemands veulent un processus d'intégration. Nous ne voulons pas seulement un processus d'intégration, mais un processus d'intégration avec de la solidarité", a-t-il dit en y plaçant la mutualisation des dettes dont l'Allemagne - y compris l'opposition social-démocrate - ne veut pas pour l'instant.

"Si pour aller vers davantage de solidarité, il faut davantage d'intégration au-delà des traités actuels, alors il faudra des nouveaux traités."

©Crédit photo : REUTERS/Benoît Tessier

Source : Reuters

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