Une croissance anémique, un chômage élevé et une dette qui peine à se stabiliser n'ont pas empêché l'Irlande de tirer son épingle du jeu dans la crise de l'euro comme le montre la récente performance de son marché obligataire. Pour que le mouvement se confirme Dublin devra éviter de replonger en récession alors que l'activité peine à se maintenir en territoire positif et compter sur l'engagement des dirigeants européens à prendre des mesures audacieuses pour surmonter la crise de la dette souveraine...
"La plupart des chiffres sont assez mauvais, la demande intérieure est déprimée, et les bilans des banques sont encore en mauvais état", reconnaît Stephen Kinsella, professeur d'économie à l'université de Limerick. "Mais si vous regardez la performance de notre marché obligataire par rapport à celui de l'Italie ou de l'Espagne, vous commencez à voir l'Irlande sous un jour plus favorable", tempère-t-il. "Au pays des aveugles, les borgnes sont rois".
L'émission surprise par le pays de titres de dette à moyen terme la semaine dernière, le premier appel au marché par un pays bénéficiant d'un programme d'aide de l'UE et du FMI, a constitué le point d'orgue d'un rally obligataire qui a vu une chute de 60% de la prime exigée par les investisseurs pour détenir de la dette irlandaise plutôt qu'allemande.
L'écart de rendement (spread) sur les emprunts d'Etat irlandais à 10 ans et leurs équivalents allemands, considérés comme les plus sûrs de la zone euro, est passé de 6,2% à moins de 4,8% au cours des cinq dernières semaines, retrouvant les niveaux qui prévalaient avant le plan de sauvetage financier de 85 milliards d'euros consenti au pays en novembre 2010.
Dublin a levé jeudi dernier 4,2 milliards d'euros sur le marché obligataire, soulignant l'appétence retrouvée des investisseurs pour sa signature et laissant espérer une normalisation de sa situation. "Les investisseurs obligataires semblent estimer que l'achat de dette irlandaise à des taux élevés est un bon compromis risque-rendement, dans un environnement qui offre soit les rémunérations dérisoires des dettes des pays refuges (...) soit les perspectives effrayantes de défaut sur les dettes de pays de la périphérie", note John Velis, directeur de la recherche sur les marchés de capitaux chez Russell Investments.
L'émission du 26 juillet a été facilitée par les déclarations du président de la BCE, Mario Draghi, qui avait assuré plus tôt dans la journée que la BCE se tenait prête, dans le cadre de son mandat, à faire tout son possible pour assurer la pérennité de l'euro, évoquant notamment des mesures pour faire baisser les coûts de financement de certains Etats. Selon le directeur de l'agence irlandaise de la dette, les propos se sont traduits par une augmentation de 20% la demande au cours de l'adjudication.
Les perspectives irlandaises continuent cependant de pâtir des effets de la récession de la zone euro. Les exportations irlandaises vers les autres pays de la zone euro se sont contractées de 5% au premier semestre alors que les ventes à l'export ont globalement progressé de 3,8% sur la période. L'Etat irlandais risque aussi de devoir éponger de nouvelles pertes liées à l'immobilier au sein du secteur bancaire nationalisé.
La nette détente des taux irlandais a toutefois été favorisée par l'engagement des dirigeants européens à examiner d'ici octobre une réduction du coût de renflouement du système bancaire du pays. Au total, les investisseurs jugent les risques présentés par l'Irlande, qui a pris quatre ans d'avance dans le redressement de son secteur bancaire, nettement inférieurs à ceux de l'Espagne ou de l'Italie.
"D'autres pays sont très loin derrière, ils en sont encore à paniquer, en particulier l'Espagne", commente Owen Callan, courtier chez Danske Markets.
En dépit de ses handicaps, l'Irlande devrait être le seul pays de la périphérie de la zone euro à croître cette année et la suivante, souligne la banque d'affaires américaine Morgan Stanley dans une récente étude.
Source : Reuters
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