Les dizaines de milliers de personnes déplacées par les violences communautaires de l'ouest birman ont été épargnées par le cyclone Mahasen. Mais ils reviennent aujourd'hui sans illusion dans leurs abris précaires: d'ici quelques semaines frappera la mousson...
Quelque 140.000 habitants de l'Etat Rakhine, en grande majorité des musulmans de la minorité apatride des Rohingyas, vivent dans des camps de fortune depuis les émeutes de l'an dernier qui ont rasé des villages entiers et fait 200 morts.
Beaucoup d'entre eux ont fui ces camps avant l'arrivée du cyclone Mahasen, qui a touché la semaine dernière le Bangladesh voisin, quoique moins violemment que prévu. Mais la plupart sont déjà de retour dans leurs tentes ou abris en bambou, selon l'ONU. "Ils ne sont pas mieux lotis que la semaine dernière avant la tempête", estime Kirsten Mildren, du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha).
A l'approche de mois entiers de pluies parfois diluviennes et de vent, Mahasen a fait office de "répétition générale". Dans les camps plantés au milieu de rizières détrempées, les conditions sanitaires sont désastreuses. Le cyclone a laissé derrière lui des eaux stagnantes, relève Mildren, évoquant le spectre de maladies telles que le choléra. "Si une semaine de pluie a donné ce résultat, imaginez à quoi cela va ressembler dans deux mois".
Quelque 800.000 Rohingyas, considérés par l'ONU comme une des minorités les plus persécutées de la planète, vivent en Etat Rakhine dépourvus de droits, considérés par la plupart des Birmans comme des immigrés illégaux venus du Bangladesh.
Alors que communautés musulmane et bouddhiste vivent désormais totalement séparées, incapables de reprendre le fil d'une vie normale après les violences, beaucoup de Rohingyas dépendent à 100% de l'aide humanitaire. "Rien que de parler de notre vie ici me rend triste", tranche Hla Hla Myint, 55 ans, en décrivant à l'AFP son quotidien dans le camp de Mansi, près de la capitale de l'Etat Rakhine, Sittwe. "Ils y a des fourmis, des sangsues et des vers de terre dans nos tentes. Nous vivons dans l'eau (...). Nous n'avons pas à manger".
A l'approche de Mahasen, cette ancienne ouvrière a trouvé refuge dans une école avec ses deux filles. Son mari et son fils ont gardé la tente, le seul bien qui leur reste. Après les alertes répétées des organisations humanitaires, les autorités locales se démènent pour bâtir suffisamment d'abris en bois avant que les tentes ne soient noyées par la mousson. "Je ne pense pas qu'il nous reste beaucoup de temps, juste un peu plus d'un mois. Ces maisons devront être terminées d'ici là", explique à l'AFP Win Myaing, porte-parole du gouvernement rakhine, qui estime que 70% des abris nécessaires ont été construits.
Selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), qui craint une "catastrophe humanitaire", 70.000 personnes devront être redéplacées dans ces nouveaux logements. Des constructions qui s'ajoutent aux abris déjà bâtis pour 12.000 personnes par l'agence onusienne, et à un nombre indéterminé construits par le gouvernement, selon Vivian Tan, porte-parole du HCR.
Mais ces structures en bois, si elles sont bienvenues à court terme, font aussi craindre une pérennisation de la ségrégation entre les communautés. Fournir de l'aide "sans faire de ces camps des implantations permanentes" sera "un défi immense", craint ainsi l'analyste indépendant Richard Horsey.
Au camp de Bawdupha, près de Sittwe, plus de 7.500 Rohingyas ont emménagé dans vingt nouveaux baraquements de huit pièces accueillant chacune une famille. Une douzaine d'autres sont en construction, mais les habitants doutent être protégés contre un cyclone. "La maison est une construction temporaire, pas solide. J'ai peur qu'en cas de tempête, elle ne soit emportée", avoue Muhibulah, 55 ans, qui vit là avec sa femme et ses trois enfants depuis déjà près d'un an.
Après les violences de 2012, les attaques contre les musulmans se sont propagées à d'autres parties du pays, portant une ombre aux réformes du gouvernement réformateur qui a succédé à la junte en 2011. Une raison de plus pour les Rohingyas de ne rien espérer. "Nous ne faisons pas confiance au gouvernement. Absolument pas".
Source : AFP
©Crédit photo : AFP, Soe Than Win
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