La défense française doit s'attendre à de nouvelles coupes budgétaires, soulevant la crainte, pour une armée qui s'illustre au Mali, de ne plus pouvoir accomplir certaines de ses missions. Tous les groupes politiques du Sénat, à l'exception des écologistes, menacent de ne pas voter le prochain budget de la défense s'il passait sous la barre des 1,5% de PIB, soit environ le budget actuel, de l'ordre de 30 milliards d'euros...
"Le seuil en deçà duquel il ne faut pas descendre est de 1,5% du PIB", a déclaré mercredi le président socialiste de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Jean-Louis Carrère.
Le nouveau "Livre blanc" qui définit la stratégie de la France en matière de défense et de sécurité nationale sera publié avant la fin du mois, peut-être même dès la semaine prochaine. Si le document lui-même ne donne pas d'indications en termes d'enveloppe et de trajectoire budgétaires, il servira de base à la loi de programmation militaire que François Hollande doit présenter avant l'été.
Si cette loi prévoyait pour l'armée un budget inférieur à 1,5% du PIB, hypothèse probable en ces temps de restriction tous azimuts, "il n'est pas sûr que nous la voterions", a dit Jean-Louis Carrère, en précisant que le groupe écologiste ne s'associait pas à cette démarche commune des sénateurs.
"La contribution du ministère de la Défense aux cinq milliards d'économies supplémentaires réclamées la semaine dernière à son gouvernement par Jean-Marc Ayrault pour 2014 devrait être d'un milliard d'euros", a dit le sénateur des Landes lors d'une conférence de presse.
Traditionnelle variable d'ajustement en temps de crise, le budget de la défense a l'habitude de souffrir. Il est passé depuis longtemps sous le seuil des 2% de PIB, considéré par l'Otan comme la norme minimale pour permettre à un pays d'assurer sa souveraineté. "Non seulement la défense n'est pas une priorité mais, à l'heure où des économies sont recherchées partout, elle est clairement dans le collimateur parce que c'est facile de tailler dans le budget militaire", résume un ancien haut responsable militaire français.
Le précédent Livre blanc, paru en 2008 sous Nicolas Sarkozy, a débouché sur la loi de programmation militaire 2009-2014, de laquelle la Cour des comptes a dressé en juillet dernier un bilan à mi-parcours fort inquiétant. La Cour a constaté un écart négatif d'1,89 milliard d'euros à la fin 2011 par rapport aux économies drastiques réclamées par le texte et prédit que cet écart dépasserait les quatre milliards fin 2013.
L'actuelle loi de programmation exige notamment la suppression de 54.000 emplois entre 2008 et 2015 mais de nouvelles économies seront demandées à l'armée et affecteront nécessairement des programmes d'armement, dont certains devront étalés dans le temps et d'autres supprimés.
Or la Cour, qui a suggéré à l'armée de commencer par réduire une masse salariale ayant augmenté malgré la diminution des effectifs, a prévenu que des économies affectant le fonctionnement opérationnel des armées pourraient les empêcher de remplir correctement certaines de leurs missions.
Pour Jean-Louis Carrère, le point de rupture est proche. "Je suis convaincu que notre sécurité serait compromise si les mesures de réduction de l'effort de défense qui sont envisagées étaient adoptées", a-t-il dit.
En attendant les arbitrages de François Hollande, le ministère des Finances travaille sur plusieurs scénarios, dont le plus pessimiste verrait l'effort de défense passer de 1,56% du PIB en 2011 à 1,1% en 2025, disent les sénateurs. "Si on laisse faire Bercy, dans 20 ans, il n'y a plus de défense en France", s'inquiète un sénateur UMP.
Si les trois armées sont concernées, c'est bien dans l'armée de terre que les craintes sont les plus profondes, parce qu'elle est la plus touchée par les réductions de personnels et la disparition de sites mais aussi parce que le type de guerre pour laquelle elle est conçue n'a plus la cote auprès des politiques et de l'opinion.
De réels succès en Libye et en Côte d'Ivoire mais surtout l'opération au Mali ont quelque peu changé la donne, écornant le cliché de la "guerre à zéro mort" et montrant que la France pouvait encore pénétrer en premier, par une intervention terrestre, sur un théâtre d'opérations. L'opération Serval a aussi révélé les lacunes de l'outil militaire français, notamment en termes de transport aérien, de ravitaillement en vol, d'avions de surveillance sans pilote (drones) et de renseignement.
Tout cela ne suffira pas, cependant, à éviter à l'armée de devoir se serrer encore la ceinture. Comme il n'est pas question de toucher à la dissuasion nucléaire, dont le coût annuel est de l'ordre de 3,5 milliards d'euros, il faudra bien trancher dans le vif.
Source : Reuters
©Crédit photo : REUTERS/Emmanuel Braun
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