Les insurgés d'Alep commençaient à manquer de munitions, encerclés par les forces de Bachar al Assad dans leur fief de Salaheddine, mardi à l'entrée sud de la capitale économique de Syrie. Au lendemain de la défection spectaculaire du Premier ministre sunnite Ryad Hidjab, jusque-là dévoué au Parti Baas, le président syrien est apparu à la télévision, pour la première fois depuis deux semaines, à l'occasion d'un entretien avec un responsable iranien en visite à Damas...
Saeed Jalili, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale d'Iran, a réaffirmé le soutien sans faille de l'Iran à la Syrie, "élément essentiel de l'axe de résistance" anti-israélien constitué également du Hezbollah chiite libanais. "L'Iran ne permettra pas que l'axe de résistance, dont il considère que la Syrie est un élément essentiel, soit brisé en aucune façon", a déclaré Jalili, qui représente le guide suprême de la révolution Ali Khamenei.
La défection de Hidjab a confirmé lundi l'isolement croissant d'un noyau dur autour du président syrien mais ne devrait guère changer la donne sur le terrain. Les troupes gouvernementales se sont redéployées il y a une dizaine de jours autour d'Alep en prévision d'une reconquête des quartiers sous contrôle rebelle, après avoir repris l'essentiel de Damas, la capitale attaquée mi-juillet.
Mardi matin, des obus de mortier et de char se sont abattus sur Salaheddine, théâtre de violents combats depuis une semaine, contraignant les rebelles à s'abriter dans des immeubles en ruine et des ruelles jonchées de gravats. Selon l'Assemblée générale révolutionnaire d'Alep, un groupe d'opposants, les bombardements de l'aviation et de l'artillerie ont fait 70 morts ces dernières 24 heures, un bilan invérifiable de source indépendante.
Des chars sont entrés dans certains secteurs et des tireurs se sont déployés sur les toits, entravant les mouvements des insurgés. "L'armée syrienne essaie de nous prendre en tenaille", a déclaré cheikh Taoufik, un chef rebelle. Les insurgés affirment toujours tenir les principales avenues du quartier situé au sud-ouest de la ville, mais, ajoute un combattant rebelle, "nous n'avons pas assez de munitions à envoyer sur la ligne de front".
Les quartiers de l'est d'Alep ne sont pas épargnés, selon un militant de l'opposition qui a fait état de tirs d'artillerie et d'un raid mené par un avion de chasse. "Deux familles, 14 personnes au total, auraient été tuées par un obus qui a provoqué l'effondrement de leur maison ce matin", a déclaré cet opposant. La maison était située selon lui à une rue d'une école réquisitionnée par les insurgés.
Malgré ses revers à Damas et Alep, l'opposition s'est réjouie de la fuite de Ryad Hidjab avec sa famille en Jordanie, qu'elle a expliqué avoir planifiée depuis des semaines. La Maison blanche y a vu le signe d'un "effondrement du régime" et le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a estimé que cette défection confirmait "l'affaiblissement inéluctable du clan au pouvoir".
Les prédictions occidentales - ou turques - d'un effondrement imminent du régime issu de la minorité alaouite, une branche du chiisme, se sont cependant toujours révélées prématurées. Les alaouites représentent environ 10% de la population syrienne, à large majorité sunnite (60 à 70%).
"On enregistre des défections dans toutes les composantes du régime à l'exception de son noyau dur, qui n'a pas donné de signes de fracture", déclare Peter Harling, de l'International Crisis Group. "Le régime s'érode et perd ses strates périphériques depuis des mois, tout en se reformant autour d'une force combattante prête à tout", estime cet expert.
L'insurrection, qui a fait plus de 18.000 morts en dix-sept mois, semble tourner à une guerre par procuration opposant rebelles soutenus par la Turquie et les puissances sunnites du Golfe, Arabie saoudite et Qatar, et le gouvernement de Damas soutenu par l'Iran chiite.
Lors d'un déplacement à Pretoria, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a prévenu que Washington ne tolérerait pas l'envoi "de terroristes ou de mercenaires" pour "exploiter" le conflit syrien. En visite à Ankara, adversaire résolu d'Assad, le chef de la diplomatie iranienne, Ali Akbar Salehi, a souhaité que la Turquie et l'Iran coopèrent pour trouver une solution, alors que Téhéran compte organiser jeudi une réunion entre les pays ayant une approche "réaliste" du dossier syrien.
Les discussions devraient également porter sur le sort d'une quarantaine d'Iraniens enlevés samedi à Damas. Les rebelles les soupçonnent d'être des gardiens de la Révolution, Téhéran affirme que ce sont des pèlerins.
Le Quai d'Orsay a confirmé de son côté que Laurent Fabius se rendrait du 15 au 17 août en Jordanie, au Liban et en Turquie "dans le cadre des efforts de la France pour promouvoir une transition politique crédible et rapide en Syrie".
Plus de 1.300 personnes, dont un général de brigade, ont trouvé refuge en Turquie la nuit dernière, selon le ministère turc des Affaires étrangères.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a de son côté averti que de nombreux laboratoires pharmaceutiques syriens avaient dû fermer en raison des combats et que le pays risquait une pénurie de médicaments pour traiter les maladies chroniques et soigner des blessés de plus en plus nombreux.
Source : Reuters
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