Malgré les réticences de la Bundesbank, la Banque centrale européenne (BCE) a fait un pas vers un nouveau programme de rachat d'obligations, qui doit permettre de diminuer les coûts d'emprunt italiens et espagnols, tout en refusant de signer un chèque en blanc et en insistant sur les tâches qui incombent aux gouvernements...
Le président de la BCE, Mario Draghi, a laissé entendre que l'institution monétaire n'interviendrait pas avant septembre au plus tôt et qu'il faudrait avant cela que les pays européens en difficulté sur les marchés de la dette en fassent la demande et acceptent en contrepartie de souscrire à des conditions strictes, une supervision européenne notamment.
L'absence de mesures immédiates, le caractère conditionnel des décisions prises ce jeudi ainsi que les réserves émises par Jens Weidmann, le président de la banque centrale allemande, ont largement déçu les investisseurs.
Cette déception est à la hauteur des attentes provoquées par les propos tenus la semaine dernière par Mario Draghi, lorsque ce dernier a déclaré que "la BCE était prête à faire tout ce qu'il faudra pour préserver l'euro" dans le cadre de son mandat.
Les places boursières en Europe ont ainsi clôturé en nette baisse, tandis que l'euro chutait et que les coûts d'emprunt de l'Espagne et de l'Italie repartaient en vive hausse. Le rendement de l'obligation espagnole à 10 ans a repassé le seuil critique de 7%.
Mario Draghi a en outre souligné que l'octroi d'une licence bancaire au MES, qui lui permettrait de participer aux opérations de financement de la BCE et accroîtrait ainsi sa puissance de frappe sur les marchés, serait contraire aux traités européens, allant ainsi dans le sens de l'Allemagne farouchement opposée à cette mesure. "La politique monétaire ne peut remplacer les efforts des pays eux-mêmes dans les domaines économiques et financiers et, pour cette raison, elle ne peut représenter une résolution durable de la crise", a dit Philipp Rössler, ministre allemand de l'économie. "De ce point de vue, il est important que Mario Draghi ait conforté la position de l'Allemagne qui consiste à dire qu'un refinancement du MES via la BCE est, d'un point de vue de la BCE, impossible", déclare-t-il dans un bref communiqué.
À l'occasion de sa conférence de presse mensuelle, Mario Draghi a cependant déclaré que la BCE envisageait d'autres mesures "non-conventionnelles" pour juguler la crise de la région. "Le conseil des gouverneurs, dans le cadre de son mandat pour maintenir la stabilité des prix à moyen terme et dans le respect de son indépendance dans la détermination de la politique monétaire, peut mettre en oeuvre des opérations sur le marché monétaire d'une ampleur adéquate pour atteindre son objectif", a déclaré le président de la BCE. "De plus, le conseil des gouverneurs examinera des mesures de politique monétaire non conventionnelles en fonction de ce qui est nécessaire pour rétablir la transmission de la politique monétaire", a-t-il ajouté.
A la différence de la Réserve fédérale américaine (Fed) et de la Banque d'Angleterre (BoE) -toutes deux engagées dans des programmes d'assouplissement quantitatif depuis 2008 afin de créer de la monnaie pour acheter des titres-, la BCE a depuis un certain temps déjà mis en sommeil son programme de rachats d'actifs préférant utiliser le levier des taux de dépôt.
À l'issue de son conseil des gouverneurs, la BCE a décidé de maintenir ses taux directeurs. Après leur abaissement le mois dernier d'un quart de point, le taux de refinancement reste à 0,75%, le taux de facilité à 0,0% et le taux de prêt marginal à 1,5%, des plus bas historiques dans les trois cas. Mario Draghi a toutefois fait savoir que le conseil avait envisagé lors de sa réunion mensuelle une nouvelle baisse des taux face aux fortes incertitudes économiques.
L'institution de Francfort a acheté depuis mai 2010 quelque 210 milliards d'euros d'obligations d'Etat de la zone euro dans le cadre de son programme de rachats d'actifs (SMP), pour un impact limité, mais Mario Draghi a laissé entendre que le nouvel effort de la BCE serait différent tant par son ampleur que par les conditions qu'il exige.
Toute mesure supplémentaire de la part de la BCE dépendra en effet de l'utilisation préalable, par les Etats de la zone euro, des fonds d'urgence que sont le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES), a-t-il prévenu.
"Les gouvernements doivent être prêts à activer le MES/FESF sur le marché obligataire en cas de circonstances exceptionnelles sur les marchés financiers et de risques pour la stabilité financière", a-t-il déclaré.
Pour l'heure, l'Espagne et l'Italie ont fait savoir qu'il était prématuré de dire si les deux pays allaient demander une activation des fonds de sauvetage européen pour acheter de leur dette. "Je ne sais pas si l'Italie demandera l'activation de ce mécanisme", a dit Mario Monti à Madrid lors d'une conférence de presse commune avec son homologue espagnol Mariano Rajoy. De son côté, Mariano Rajoy s'est contenté de saluer les déclarations de la BCE, jugeant important que la BCE soit désormais prête à intervenir sur le marché via des moyens non conventionnels, mais sans se prononcer sur une activation des mécanismes européens par l'Espagne.
Les annonces de la BCE ont également semblé satisfaire les positions de la France, en première ligne sur la question de la reprise par des rachats de dettes souveraines par la banque centrale. "La décision de la banque centrale est importante et elle vient confirmer ce que nous avions décidé à la fin du mois de juin et permet à la banque centrale maintenant d'intervenir lorsqu'il y a nécessité", a déclaré le président français François Hollande sur i>TELE.
Mercredi, la Réserve fédérale des Etats-Unis n'a pas succombé aux sirènes d'un nouveau plan d'assouplissement quantitatif que beaucoup appelaient de leurs voeux, même si elle a admis que de nouveaux rachats d'actifs pourraient se produire à terme afin de soutenir une économie qui, de son propre aveu, perd de son élan.
De son côté, la BoE n'a pas non plus annoncé de nouvelles mesures de soutien à l'activité et a maintenu son taux directeur à 0,5%, son niveau depuis mars 2009, un mois après avoir déclenché un troisième cycle d'assouplissement monétaire prévoyant le rachat de 50 milliards de livres (63 milliards d'euros) d'actifs supplémentaires.
Source : Reuters
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