Débat Sarkozy/Hollande, le dernier round


Hier soir a eu lieu sur France 2 et TF1 le débat tant attendu entre les 2 candidats du second tour à l’élection présidentielle. Pendant près de 2h50, les candidats ont débattu sur différents thèmes et ont exposé leurs programmes devant 17,8 millions de français. Retour en détails sur cette soirée politique.


Le débat a commencé par une grande leçon de morale sur le thème du rassemblement. Pour Nicolas Sarkozy tous les français doivent être rassemblés, y compris ceux qui n’ont pas ses idées. C’est ce qui ferait la différence entre les deux candidats. « Oui c’est ce qui fait notre différence » confirme alors sarcastiquement François Hollande. Selon ce dernier, le rassemblement est important et durant le dernier quinquennat, le gouvernement a tenté de séparer les français (vrai/faux travail, fonctionnaires vs employés du privé). Nicolas Sarkozy se défend en rappelant que durant son quinquennat, il n’y a jamais eu de blocages ni de grands soulèvements contre les réformes (comme se fût le cas pour le projet du CPE ou pendant les réformes d’austérité de Mitterrand par exemple). Il  rappelle par ailleurs que la France a traversée de graves crises économiques et sociales.
F. Hollande termine l’introduction de ce débat par une phrase cinglante « vous n’arriverez pas à vous faire passer pour une victime ».

ECONOMIE ET SOCIAL
F. Hollande fait un constat : le chômage a fortement augmenté et il est impératif de trouver des solutions durables. Selon lui, il faut relancer la production en créant une banque publique d’investissement, en mobilisant l’épargne des ménages et en modifiant la fiscalité des entreprises. Le candidat socialiste propose également un contrat de génération qui permettra à l’employeur lorsqu’un senior prend en charge un jeune d’être exonéré de cotisations sur le senior et sur le jeune.

N. Sarkozy s'exprimant sur la situation du chômage en France
® Crédit photo - Samuel Cour
Pour le candidat UMP, F. Hollande ment sur les chiffres du chômage. Selon lui, le chômage aurait augmenté deux fois moins que les autres pays de la zone euro. Selon Nicolas Sarkozy, l’Allemagne est exemplaire dans ce domaine et aurait mis en place il y a quelques années les réformes que le candidat de droite souhaite développer en France. Nicolas Sarkozy rappel également au candidat socialiste qu’il a déjà créé la banque publique d’investissement. Pour contrer le chômage, le candidat UMP  veut alléger les cotisations sociales familiales, relancer la formation des chômeurs et miser sur l’innovation dans les secteurs d’avenir.
Pour François Hollande les baisses de cotisations sociales vont surtout bénéficier aux entreprises de services (cela représenterait une économie de 700 millions d’euros pour les banques) et constitueront ainsi un nouvel impôt qui n’aidera pas l’industrie. Le candidat de gauche a ensuite longuement insisté sur la hausse du déficit commercial du pays durant le dernier quinquennat.

Sur ce sujet, la réponse de Nicolas Sarkozy est claire : sur les 70 milliards de déficit commercial, 63 milliards sont dus à l’énergie dont le déficit a augmenté de 36% en un an (notamment à cause de la flambé du cours du pétrole...).
Toujours concernant la question de l’emploi, Nicolas Sarkozy a mis en avant l’importance de la TVA anti-délocalisation ainsi que le développement des accords compétitivités-emplois. Ces accords prévoient notamment de conserver le système des 35H  et des heures supplémentaires défiscalisées tout en donnant la possibilité au patronat et aux syndicats d’augmenter le temps de travail. Sur ce sujet, le candidat UMP veut clairement prendre l’Allemagne comme modèle.

POUVOIR D’ACHAT
Pour augmenter le pouvoir d’achat, François Hollande souhaite indexer le SMIC sur les prix mais aussi sur la croissance ! Il veut également mettre en place un forfait de base pour l’eau et l’électricité (puis plus vous consommez, plus le tarif s’élève), bloquer pendant 3 mois les prix de l’essence, mettre en place une TIPP flottante et augmenter de 25% l’allocation rentrée scolaire.
Sur le sujet du pouvoir d’achat, Nicolas Sarkozy rappel que sous son quinquennat, le gouvernement a financé 180 millions d’heures de chômage partiel » (en permettant aux employés en chômage partiel de se former tout en étant payé). Par ailleurs, 9 millions de français ont pu faire des heures supplémentaires défiscalisées (soit en moyenne 500€ de pouvoir d’achat en plus par employé). Selon Nicolas Sarkozy, la proposition du candidat socialiste de bloquer le prix de l’essence est une aberration car au final, les français paieront quand même. Le président candidat insiste également sur le fait qu’une baisse de 2ct du prix de l’essence revient à une hausse de 1 milliard du déficit. Pour Nicolas Sarkozy, la solution serait plutôt d’inciter les consommateurs à acheter des véhicules moins gourmands en carburant.

DETTE ET COMPTES PUBLICS
F.Hollande exposant son projet pour réduire le déficit public
® Crédit photo - Samuel Cour
Pour Hollande, l’augmentation de 600 milliards d’euros de la dette publique durant le dernier quinquennat est le résultat de laxisme budgétaire et de cadeaux aux plus fortunés. Il propose donc 40 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires (dont 13 milliards sur les riches, ce qui représente approximativement les recettes de la TVA sociale) et de réduire le budget de l’Etat de 50 milliards d’euros. Pour taxer les riches, le candidat prévoit notamment une hausse de l’impôt sur le revenu mais aussi le ré-établissement de l’impôt sur la fortune et le plafonnement à 10000€ des déductions d’impôts (niches fiscales).  
Sarkozy rappel que la hausse de la dette est en grande partie structurelle (due à 38 ans de mauvaise gestion et de déficits). « Pourquoi êtes-vous (ndrl F. Hollande) contre la baisse du nombre de fonctionnaires (la moitié du budget de l’état) et pourquoi voulez-vous créer 60 000 postes de professeurs, alors que vous dénoncez la hausse du déficit ? Par ailleurs, vous mentez, je n’ai pas supprimé l’impôt sur la fortune, nous sommes les seuls d’Europe à l’avoir gardé ! Les socialistes allemands et espagnols l’ont supprimé. 93% du paquet fiscal que nous avons mis en place est à destination des classes populaires et moyennes : ce pack représente plus de 4 milliards d’euros en heures supplémentaires mais c’est aussi la suppression des droits de succession par exemple».  
Nicolas Sarkozy déclare par ailleurs « Vous voulez moins de riches et moi moins de pauvres ». Le candidat de droite rappel par ailleurs que la France et la Suède sont les pays d’Europe ou il y a le plus d’impôts. « Nous sommes dans un monde ouvert : le capital et les emplois peuvent se déplacer, par conséquent, l’augmentation des impôts peut être dangereuse ».

Sur la question des professeurs, le président candidat déclare vouloir augmenter les heures de présence des professeurs de 18 à 26h, augmenter leurs salaires de 25% et accroître leur formation afin d’améliorer la qualité de l’enseignement (privilégier la qualité plutôt que la quantité).


ZONE EURO – PACTE DE STABILITE
François Hollande constate que le pacte de stabilité ne met en avant aucune notion de croissance, promettant ainsi une austérité constante. Il souhaite donc renégocier le traité car selon lui, si il n’y pas de croissance il n’y a pas de remboursement de la dette (car pour rembourser la dette, il est nécessaire d’avoir un PIB qui croit plus vite que la dette n’augmente).
Nicolas Sarkozy approuve mais met en avant la nécessité cruciale du remboursement de la dette. Il s’oppose en revanche catégoriquement aux Eurobonds (qui obligeraient en quelque sorte la France à payer la dette des autres pays étant donné que le taux d’intérêt serait le même pour tous les membres de la zone euro ; et donc incontestablement plus élevé). Il rappelle par ailleurs que la France n’est pas seule dans les négociations et que ces dernières impliquent de nombreux pays a qui on ne peut pas imposer un projet sans leurs accords.

IMMIGRATION
Comme souvent dans ce débat, François Hollande a tenu à rappeler les chiffres : la France accueille chaque année 200 000 immigrés (ndlr : ces chiffres ne prennent pas en compte l’immigration venue de l’intérieur de l’UE telles que les populations venus d’Europe de l’Est par exemple). Le candidat socialiste ne veut pas augmenter le nombre d’immigrés économiques (suffisant pour l’instant), est favorable à l’immigration des étudiants (aujourd’hui 60000 par an), mais veut améliorer la vitesse de régularisation des immigrés politiques (40/60000 par an). Concernant le regroupement familial, il souhaite renforcer les contrôles au niveau des connaissances dans la langue Française mais aussi au niveau du mariage blanc par exemple.
Nicolas Sarkozy est claire sur ce sujet : nous n’arrivons plus à intégrer tous les immigrés. Il faut donc réduire les entrées légales sur le territoire. Il prévoit également un renforcement du contrôle à l’entrée du pays notamment avec un examen de français au consulat (car la langue est un moteur de l’intégration). Il déclare également que chaque immigré devra vivre depuis au moins 10 ans en France et devra avoir cotisé 5 ans pour toucher des prestations sociales (minimum vieillesse, RSA...).
Sur le sujet du droit de vote des étrangers aux élections locales, les deux candidats sont clairement opposés. F. Hollande y est favorable dans la mesure où l’immigré vit en France depuis 5 ans et paie des impôts locaux. Tandis que Nicolas Sarkozy est clairement contre, dénonçant le risque du vote communautaire (possibilité d’apparition de revendications au niveau local telles que des horaires adaptés dans les piscines municipales par exemple).

NUCLÉAIRE
Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la part des énergies vertes dans la production totale d’énergie est passée de 10,5 à 13%. La production d’énergie éolienne a été multipliée par 4 et la production photovoltaïque par 100 ! Selon le candidat UMP, le nucléaire n’empêche pas de développer les énergies renouvelables et reste pour l’instant un moyen de produire de l’électricité à moindre coût. Enfin, Nicolas Sarkozy déclare qu’on ne doit pas sacrifier des centres de production (ex : Fessenheim) pour récolter des voix aux élections (cf accords PS-EELV).
Le programme du candidat socialiste est clair : il souhaite passer de 75 à 50% de réalisation de notre production avec des centrales nucléaires. Il  ne souhaite par ailleurs fermer qu’une seule centrale : Fessenheim. Enfin, il déclare vouloir développer les énergies renouvelables en passant leur part dans la production d’électricité à 23%.

AFFAIRES ETRANGERES
Afghanistan
Selon F. Hollande les troupes françaises n’ont pas vocation à rester plus longtemps sur le sol Afghan. L’armée doit en partir dès fin 2012 (l’annonce sera faite lors du sommet de l’OTAN à Chicago).
Quant à Nicolas Sarkozy, il félicite l’armée pour son travail fait en Afghanistan. Selon lui, partir en 2012 est impossible techniquement et diplomatiquement (la France a pris des engagements avec les Afghans et les pays qui interviennent sur ce territoire). Nicolas Sarkozy souhaite que l’armée quitte le sol Afghan fin 2013. Selon lui, le travail doit être terminé. La coopération continuera ensuite de manière économique et académique (partenariats universitaires...).
Terrorisme au Maghreb
Le débat c’est terminé sur le sujet des tensions au Maghreb et dans les régions sub-sahariennes.   Pour François Hollande, cette partie du monde doit être stabilisée et les otages libérés. Nicolas Sarkozy souhaite lui, renforcer la coopération économique et militaire avec le Niger, le Mali, le Sénégal, la Mauritanie et les pays du Sahel afin de combler leurs manques de structures (ce manque de structures étant en partie à l’origine de la corruption et des difficultés de développement de cette région).

C’est donc sur fond d’affaires étrangères que le débat c’est terminé. Ce débat a permis aux différents candidats de prouver leur potentiel mais aussi d’exposer en détails leurs programmes. Un débat musclé à grand coup de chiffres qui s'annonce d'ores et déjà comme le plus virulent de l'histoire de la 5ième République. On regrettera cependant que certains thèmes eussent été peut abordés, notamment le sujet du logement ou encore la santé. Deux débats auraient peut-être permis de combler cette lacune...


D’ici 4 jours, les citoyens français seront appelés aux urnes pour élire leur président. Ce débat aura probablement permis de clarifier les choses et de convaincre les indécis.

Samuel Cour

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