Des hélicoptères de l'armée syrienne ont bombardé samedi des positions tenues par les insurgés dans le centre d'Alep et des unités blindées ont pris position en vue de reprendre le contrôle total de la grande ville du nord de la Syrie, un assaut que la presse favorable au président Bachar al Assad présente comme la "reine de toutes les batailles"...
La Turquie, inquiète du développement du conflit à ses frontières, a appelé à de nouvelles initiatives internationales pour mettre fin aux affrontements mais Moscou a estimé que le soutien aux insurgés ne pouvait qu'entraîner de nouvelles effusions de sang.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG favorable à l'opposition syrienne et basée à Londres, a rapporté que des hélicoptères gouvernementaux avaient attaqué dans la matinée le quartier de Salaheddine à Alep, capitale économique et ville la plus peuplée de Syrie avec deux millions et demi d'habitants. De violents combats ont également eu lieu à l'entrée du quartier de Sakhour, ajoute l'OSDH. Un militant de l'opposition a précisé avoir vu des chars et des véhicules blindés de transport de troupes faire mouvement vers le quartier de Salaheddine.
La communauté internationale s'inquiète de voir la bataille d'Alep entraîner des massacres de civils et le conflit s'étendre à d'autres pays de la région. Pour de nombreux experts militaires, les forces d'Assad, en raison de leur supériorité matérielle, sont en mesure de contrôler les zones urbaines, notamment Alep et Damas, mais pourraient se retrouver sur la défensive dans les régions rurales. Illustration de ce phénomène, une colonne blindée gouvernementale qui opérait jusqu'ici dans le province d'Idlib, dans le nord de la Syrie, a été envoyée à Alep en vue de la grande contre-attaque.
"A Alep, il est probable que les forces d'Assad sont en mesure de s'assurer un succès tactique qui permettra au régime de démontrer sa supériorité militaire", dit l'analyste Ayham Kamel, de l'Eurasia Group, qui souligne toutefois que les insurgés ne cessent de se renforcer alors que l'armée gouvernementale connaît de plus en plus de défections.
Dans la nuit de vendredi à samedi, entre minuit et le lever du jour, trois combattants rebelles ont été tués dans les combats à Alep, selon l'OSDH. Vendredi, les violences ont fait au total 160 morts à travers le pays, ajoute l'ONG. Le bilan estimé du soulèvement depuis mars 2011 serait d'environ 18.000 morts.
Des affrontements ont également été signalés samedi à Deraa, le berceau de la révolte dans le sud du pays, à Homs, dans le centre, et à Hama, ville où un soulèvement islamiste au début des années 1980 avait été écrasé dans le sang par le président Hafez al Assad, le père de Bachar. Près de Damas, à Maadameiat al Cham, les forces de sécurité ont tué une dizaine de personnes, rapporte l'OSDH.
Vendredi soir, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, autrefois proche d'Assad, a estimé que la communauté internationale devait agir face à l'aggravation de la situation à Alep et à la menace brandie par Damas de faire usage de son arsenal chimique en cas d'agression étrangère. "Il y a des renforts (de l'armée syrienne) à Alep, et les récentes déclarations sur l'utilisation d'armes de destruction massive sont des éléments devant lesquels nous ne pouvons pas rester simples observateurs ou spectateurs", a-t-il dit à Londres lors d'une conférence de presse commune avec le Premier ministre britannique, David Cameron.
"Des mesures conjointes doivent être prises par le Conseil de sécurité de l'Onu, l'Organisation des pays islamiques, la Ligue arabe, et nous devons travailler ensemble pour tenter de surmonter cette situation". A la télévision turque, Erdogan a clairement apporté son soutien aux insurgés syriens. "A Alep, le régime (d'Assad) se prépare à lancer une attaque avec ses chars et ses hélicoptères (...) J'espère que les vrais fils de la Syrie sauront lui donner la réponse qu'il mérite", a-t-il dit.
Le chef du gouvernement britannique a de son côté fait part des préoccupations de Londres et d'Ankara face à un possible massacre que s'apprêteraient à commettre à Alep les forces fidèles au président Assad. "Ce serait totalement inacceptable. Ce régime doit prendre conscience qu'il est illégitime, qu'il est injuste et qu'il doit arrêter ce qu'il est en train de faire", a déclaré David Cameron.
Pour les Russes, qui se sont par trois fois opposés au Conseil de sécurité de l'Onu à des résolutions sanctionnant le gouvernement de Damas, le soutien de la communauté internationale aux insurgés ne peut que conduire à de nouvelles effusions de sang car il est "irréaliste" de penser qu'Assad acceptera de rendre les armes. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse samedi à Sotchi avec son homologue japonais Koichiro Gemba, a dit craindre une tragédie "imminente" à Alep.
"Malheureusement, nos partenaires occidentaux, avec des pays voisins de la Syrie, encouragent, soutiennent et dirigent la lutte armée contre le régime syrien", a-t-il déploré. "Le prix à payer pour tout cela, ce seront de nouvelles effusions de sang". Moscou veut que les Occidentaux et les pays arabes fassent pression sur les rebelles pour qu'ils suspendent les combats et acceptent une solution négociée. Le Kremlin a par ailleurs dit son refus de laisser inspecter ses navires de commerce en route pour la Syrie, comme le prévoient les sanctions de l'Union européenne destinées à empêcher l'envoi d'armes au régime de Damas.
"Nous n'envisageons pas de nous associer à ces appels européens et nous n'autoriserons pas la fouille des navires qui battent pavillon russe", a dit le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Alexandre Loukachevitch. Vendredi, Navi Pillay, haut commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, a exhorté les combattants des deux bords à épargner la population civile à Alep.
Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, s'est également dit "profondément préoccupé" par une possible utilisation d'armes chimiques par le gouvernement syrien. "Je demande (...) aux autorités syriennes de s'engager catégoriquement à n'utiliser en aucune circonstance des armes chimiques ou de destruction massive", a-t-il dit.
Source : Reuters
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