L'exécutif se donne du temps sur les autoentrepreneurs

Face aux critiques de sa réforme de l'autoentreprenariat, le gouvernement français a choisi de se donner du temps : le texte ne sera pas examiné avant janvier et il ne précise pas le niveau de chiffre d'affaires à partir duquel ce régime sera raboté...

D'ici là, le député socialiste Laurent Grandguillaume examinera comment simplifier l'ensemble des régimes de l'entreprise individuelle afin d'enrichir le projet de loi présenté mercredi en conseil des ministres par Sylvia Pinel.

La ministre de l'Artisanat et du Commerce a voulu répondre aux attentes des artisans, qui dénoncent une concurrence déloyale de la part des autoentrepreneurs. Ces derniers bénéficient d'un régime fiscal avantageux et subissent moins de contraintes pour exercer leur activité.

Mais sa proposition de limiter à 19.000 euros dans les services et 47.500 euros dans le commerce le niveau maximal de chiffre d'affaires des autoentrepreneurs a déclenché la fronde des "Poussins", rappelant celle des entrepreneurs "Pigeons" qui avaient fait reculer le gouvernement sur des questions fiscales l'an dernier. Les seuils actuels sont de 32.600 et 81.500 euros.

Près de 900.000 personnes ont choisi le statut d'autoentrepreneur, mis en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy pour favoriser la création d'entreprises. La grande majorité des autoentrepreneurs réalisent un chiffre d'affaires peu élevé et ils contestent empiéter massivement sur l'activité des artisans.

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait tenté d'éteindre la fronde des autoentrepreneurs, en assurant que la baisse des seuils ne concernerait que le secteur du bâtiment. Mais le projet de loi concerne bien l'ensemble des secteurs. "En revanche, les seuils de chiffre d'affaires ne sont pas précisés dans le texte et doivent être fixés plus tard par décret", a précisé Sylvia Pinel lors d'une conférence de presse.

AUTOENTREPRENEURS AGACÉS, ARTISANS DÉÇUS

"L'objectif n'est pas de casser ce régime", a-t-elle déclaré, mais de mettre fin aux distorsions de concurrence et au "salariat déguisé", un phénomène par lequel des entreprises font appel à des autoentrepreneurs pour échapper à leurs obligations fiscales et au droit du travail.

Son texte vise à obliger les autoentrepreneurs à passer dans le régime commun s'ils dépassent ces futurs seuils deux années de suite, avec un système de lissage des cotisations sociales devant protéger leur trésorerie pendant 18 mois.

Sylvia Pinel s'est dite favorable à fixer ce seuil dans les services au niveau du smic brut, soit un peu moins que les 19.000 euros évoqués précédemment. "Le texte doit être présenté au Parlement dans la première quinzaine de janvier", a-t-elle précisé. Entre-temps, le gouvernement pourra ainsi faire passer une réforme qu'il considère plus urgente et plus sensible politiquement, celle des retraites, ainsi que le budget de la France pour 2014. 

Ce délai et la non fixation des seuils dans le texte n'a pas totalement apaisé les autoentrepreneurs, ni les artisans. "Ca fait 15 mois qu'on est sur cette réforme et on va encore perdre cinq mois", a dit à Reuters le président de la Fédération des autoentrepreneurs, Grégoire Leclercq. "Le feuilleton commence à être difficilement vivable : les autoentrepreneurs ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés", a-t-il ajouté.

L'organisation professionnelle représentative des artisans, l'Union professionnelle artisanale, salue quant à elle certaines dispositions du projet de loi mais considère qu'il "ne répond pas à la nécessité de moraliser la vie économique en rétablissant les conditions d'une saine concurrence".

"L'instauration de plafonds et de seuils de chiffre d'affaires ne changera rien au fait que l'Etat encourage certains acteurs économiques à contourner les règles qu'il impose aux autres entreprises", poursuit-elle dans un communiqué.

Source : Reuters
©Crédit photo : REUTERS/Benoît Tessier

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