Qui se cache derrière la catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic ?

Qui se cache derrière MM&A, la compagnie ferroviaire à l'origine de la catastrophe de Lac-Mégantic au Québec ? Une importante multinationale sans foi ni loi ? Que nenni. L'entreprise est tellement petite qu'il s'agit probablement, en plus de son passé catastrophique, de son plus grand défaut...

Créée en 1864, Montreal, Maine & Atlantic ne compte que 170 salariés. Nous sommes loin des géants européens du ferroviaire que sont la SNCF, Veolia ou la Deutsch Bahn. En effet, le transport ferroviaire en Amérique du Nord n'ayant jamais été un monopole, n'importe qui avec une bonne mise de fond peut créer sa propre compagnie !

Plus incroyable encore, Montreal, Maine & Atlantic ne réalise que 50 millions de dollars US de chiffre d'affaires. Des revenus plutôt faibles pour une entreprise qui doit à la fois entretenir 25 trains mais aussi plus de 512 miles de rail (823 km) ! A titre de comparaison, le leader canadien du secteur, Canadien National (CN), a réalisé en 2011 plus de 32 milliards de dollars CAD de chiffre d'affaires.

L'entreprise ayant subie d'importantes difficultés financières, elle a été rachetée en 2003 par Rail World, une holding basée à Chicago et détenue par le magnat du chemin de fer Edward A. Burkhardt. Ce dernier a appliqué une méthode maison pour redresser l'entreprise : réduction de personnel, baisse des salaires, et un laissé-aller sur la sécurité...

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En effet, après avoir vendu près de 233 miles de rails à l'Etat du Maine pour se renflouer, l'entreprise avait été jusqu'à obtenir une autorisation de réduire les équipages des trains grâce à l'utilisation de systèmes télécommandés. Le nombre d'hommes pilotant un convoi est ainsi passé de 2 à 1 technicien ! Cette décision est extrêmement rare : la plupart des entreprises du secteur n'avaient encore jamais pris ce risque.

Difficultés financières, légèretés prises sur la sécurité, Montreal, Maine & Atlantic cumule les défauts... et de nombreux événements présageaient déjà des risques importants. 

Des accidents à répétition

Selon des données de la Federal Railway Administration américaine, la MM&A a un taux d'accident de 5 à 10 fois supérieur à la moyenne des 800 entreprises du secteur aux États-Unis. Déjà le 10 juin, soit seulement 1 mois avant la catastrophe, un train déraillait à Frontenac (à seulement 5 kilomètres à l'est de Lac-Mégantic), renversant ainsi 13 000 litres de Diesel dans la nature. 

Un accident similaire à la catastrophe de Lac-Mégantic avait par ailleurs eu lieu en 2010. En effet, le 2 août 2010 deux locomotives de la MM&A déraillent à la gare de triage de Farnham. La cause ? Les freins à main pourraient avoir été enlevés manuellement et la locomotive de tête a pris de la vitesse avant de quitter les rails.

L'entreprise cumule donc les accidents. Depuis 1998, Montreal, Maine & Atlantic est à l'origine de 11 incidents de matières dangereuses rien qu'aux Etats-Unis. 

Une entreprise pas très eco friendly

L'entreprise, en plus de mettre considérablement en danger la population et ses employés, est aussi fortement critiquée d'un point de vue environnemental. Spécialisée dans le transport d'hydrocarbures, elle est à l'origine de nombreux déversements dans la nature. En 2009 par exemple, la compagnie réalise un déchargement important d'hydrocarbures dans la rivière Piscataquis dans le Maine. Résultat : l'EPA (Environmental Protection Agency) la condamne à 30 000 $ US d'amende.

Les infrastructures vétustes de l'entreprise, sont par ailleurs décriées par les populations locales. A  Cowansville au Québec, les habitants ont signalés qu'un pont de l'entreprise bloquait l'écoulement normal de la rivière Yamaska Sud-Ouest, ce qui a pour effet de provoquer fréquemment des inondations. MM&A a nié sa responsabilité dans ces crues.

Face à tant de faiblesses, comment se fait-il que les pouvoirs publics, Canadiens et Américains, n'aient pris aucune mesure ? L'accident de Lac-Mégantic aurait-il pu être évité ? Il faut donc espérer que l'enquête officielle du gouvernement Canadien mette en avant les déficiences de cette entreprise mais aussi des autorités qui les permettaient. 

Pour l'heure on compte 33 personnes décédées dans la catastrophe, 5 nouveaux corps ayant été retrouvés hier par la Sûreté du Québec (SQ) selon Radio Canada. 17 villageois sont toujours portés disparus.

Samuel Cour

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