L'Europe exige des explications des Etats-Unis sur les écoutes

Le scandale des programmes américains de cybersurveillance et d'écoutes a pris un tour nouveau ce week-end avec les révélations du Spiegel et du Guardian sur l'espionnage supposé de l'Union européenne et de pays européens par les Etats-Unis. Face à ce développement spectaculaire, des voix se sont élevées en Europe pour exiger des explications à Washington...

Certains personnes, y compris au sein de la Commission européenne, estiment qu'un risque plane sur les négociations d'un traité de libre échange transatlantique, officiellement lancées il y a deux semaines à peine lors du sommet du G8 à Enniskillen, en Irlande du Nord.

Le Guardian a en effet rapporté dimanche soir que l'ambassade de France à Washington de même que la mission française aux Nations unies, entre autres représentations étrangères, avaient été placées sur écoutes par les services américains.

Le quotidien britannique, qui s'appuie sur un document de septembre 2010 obtenu auprès d'Edward Snowden, l'ex-consultant informatique de la National Security Agency (NSA), confirme aussi ce que le Spiegel rapportait dès samedi : les représentations de l'Union européenne ont également été mises sur écoute à Washington, à Bruxelles et à l'Onu.

D'après le Spiegel, la NSA surveillait aussi les systèmes de communication de l'immeuble Justus Lipsius, qui héberge le Conseil européen à Bruxelles et où les gouvernements de l'UE disposent de bureaux à partir desquels ils peuvent passer des appels sécurisés.

Au total, écrit le Guardian, 38 ambassades et missions diplomatiques sont décrites comme des "cibles" par ce document qui "détaille une gamme extraordinaire de méthodes d'espionnage utilisées contre chacune de ces cibles, allant de micros dissimulés dans des équipements électroniques de communication à des branchements sur des câbles ou à la collecte de transmissions au moyen d'antennes spéciales".

"En plus des adversaires idéologiques traditionnels et des pays sensibles du Moyen-Orient, la liste de cibles inclut les missions de l'UE et les ambassades de France, d'Italie et de Grèce, ainsi qu'un certain nombre d'alliés de l'Amérique, dont le Japon, le Mexique, la Corée du Sud, l'Inde et la Turquie", ajoute le Guardian.

D'après l'hebdomadaire allemand, qui a poursuivi dimanche dans sa publication de révélations, les Etats-Unis interceptent également quelque 500 millions de communications, par téléphone ou internet, chaque mois en Allemagne et près de 50 millions en France.

Ces nouvelles révélations ont suscité l'indignation au sein de l'UE, où, de Bruxelles à Paris en passant par Berlin, fusent critiques et demandes d'explications à Washington. "Ces faits, s'ils étaient confirmés, seraient tout à fait inacceptables", a déclaré dimanche le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

L'Allemagne, où la surveillance des communications privées est un sujet particulièrement sensible en raison des précédents de la Stasi en ex-RDA et de la Gestapo dans l'Allemagne hitlérienne, a également condamné cet espionnage supposé. "Si les révélations des médias sont justes, cela rappelle les initiatives prises entre ennemis durant la Guerre froide. Cela dépasse l'imagination que nos amis aux Etats-Unis considèrent les Européens comme des ennemis", a réagi la ministre de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger.

"S'il est vrai que des représentations de l'UE à Bruxelles et à Washington ont été effectivement mises sur écoute par les services secrets américains, cela peut difficilement être justifié par l'argument de la lutte contre le terrorisme."

Usant d'un ton inhabituellement ferme à l'égard des Etats-Unis, la Commission européenne dit avoir pris contact avec les autorités américaines. La porte-parole de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a également déclaré que les autorités américaines avaient été immédiatement contactées, à Washington et à Bruxelles, afin "d'obtenir d'urgence des clarifications sur la véracité et sur les faits entourant ces allégations".

Le gouvernement américain a fait savoir qu'il répondrait par le canal diplomatique aux demandes d'explications. "Nous discuterons aussi de ces questions de manière bilatérale avec les Etats membres de l'UE", a déclaré un porte-parole de la direction du renseignement national américain.

"Nous n'allons pas faire publiquement de commentaires sur ces allégations concernant des activités de renseignement (...) Les Etats-Unis recueillent certaines informations à l'étranger comme le font tous les pays", a simplement ajouté le porte-parole.

Viviane Reding, commissaire européenne à la Justice et aux droits fondamentaux, s'est prononcée dimanche en faveur d'un gel des négociations commerciales avec les Etats-Unis dans l'attente de leurs explications. "Les partenaires ne s'espionnent pas entre eux", a-t-elle dit lors d'une conférence au Luxembourg.

"Nous ne pouvons pas négocier au sujet d'un grand marché transatlantique s'il y a le moindre doute sur le fait que nos partenaires espionnent les bureaux de nos négociateurs", a-t-elle ajouté, citée par sa porte-parole.

Source : Reuters

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