Pierre Moscovici nie avoir voulu sauver le soldat Cahuzac

La commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac a mis sur le gril Pierre Moscovici, soupçonné par certains députés d'avoir cherché à blanchir l'ex-ministre du Budget à propos de son compte caché à l'étranger...

Dernier des trois membres du gouvernement entendus mardi, le ministre de l'Economie s'est vu reprocher d'avoir déclenché auprès de la Suisse une demande d'entraide fiscale à la fois intempestive et trop restrictive.

"Il n'y a aucune volonté de sauver un quelconque soldat Cahuzac", a-t-il dit, affirmant ne pas accepter de telles allégations mettant en cause son honneur. "Il ne s'agissait en rien de parasiter, d'influencer ou de court-circuiter le travail de la justice", a-t-il ajouté, soulignant qu'aucun texte n'interdisait au fisc de poursuivre son travail pendant une enquête préliminaire.

"Le procureur de Paris nous a dit que ça ne se fait jamais, que c'était sans précédent", a rétorqué le président UDI de la commission d'enquête, Charles de Courson.

L'affaire avait été révélée le 4 décembre par le site d'informations Mediapart, mais Jérôme Cahuzac n'a été contraint de quitter le gouvernement qu'après l'annonce de l'ouverture d'une information judiciaire le 19 mars.

La réponse à la demande d'entraide fiscale à la Suisse formulée par la France a permis de dire que Jérôme Cahuzac n'avait pas détenu d'avoirs à l'agence UBS de Genève entre 2006 et 2010, ce qui semblait l'innocenter. Or, l'ex-ministre du Budget était en fait soupçonné d'avoir ouvert son compte dès le début des années 90, puis d'avoir transféré les fonds à la fin des années 1990 chez Reyl & Cie, avant de les déplacer en 2009 à Singapour.

Pierre Moscovici a redit que la convention avec l'administration helvétique ne permettait pas d'aller au-delà de 2009 et que celle-ci avait fait un geste en remontant à 2006. "La convention ne permettait pas de poser une question plus large".

Il a souligné s'être contenté de vérifications auprès de la seule banque UBS, parce que c'était le point de départ "d'un ensemble de pièces imbriquées". La première réponse apparaissant négative, il a estimé n'avoir aucune raison d'aller plus loin.

"Qu'est-ce qui vous aurait empêché de faire quelque chose de plus large ?", s'est étonné Charles de Courson, qui a ensuite demandé s'il y avait la moindre chance, compte tenu de la formulation, d'avoir une réponse positive.

Le député UDI s'est également étonné que Jérôme Cahuzac contre lequel son ministre de tutelle avait dit avoir dressé une "muraille de Chine" ait été "associé" à la demande de coopération. Réponse de Pierre Moscovici : "Il n'a pas été associé, il a été informé."

L'UMP Daniel Fasquelle a jugé pour sa part très tardive la demande d'entraide lancée fin janvier, soulignant que le ministre aurait pu proposer à François Hollande de "changer de braquet" et de demander une enquête judiciaire. "On est à la fois dans la spéculation intellectuelle et l'intime conviction que je vous laisse", a rétorqué Pierre Moscovici.

Gérald Darmanin, autre député UMP, a suggéré que Pierre Moscovici aurait pu estimer sa responsabilité engagée et offrir sa démission. "Il se trouve que j'ai la conviction tranquille d'avoir agi très exactement comme je le pouvais, compte tenu des moyens qui étaient en ma possession, et comme je le devais", a répondu le ministre.

Les ministres de la Justice et de l'Intérieur, Christiane Taubira et Manuel Valls, ont également nié avoir disposé du moindre élément accréditant les soupçons visant Jérôme Cahuzac et en avoir informé le sommet de l'Etat.

Les membres de l'opposition de droite de la commission ont jugé pour le moins curieuse, voire inquiétante, l'inaction revendiquée par ces deux poids-lourds du gouvernement.

"Si personne n'a parlé de rien dans une situation grave, c'est un problème, un problème important. Est-ce que ce n'est pas un dysfonctionnement ?", a demandé Philippe Houillon, tandis que Marie-Christine Dalloz a dénoncé "une loi du silence". "Soit on nous ment, soit on ne se renseigne pas sur les affaires médiatiques importantes. C'est encore pire sans doute pour la sécurité des Français", a résumé Gérald Darmanin.

Christiane Taubira a particulièrement surpris les députés en affirmant que l'existence ou non d'un compte en Suisse non déclaré du ministre du Budget ne faisait pas partie de ses préoccupations, même au plus fort de la tempête médiatique.

"Je suis sous serment et je vous dis toute la vérité. Ce n'était pas une préoccupation pour moi de savoir si Cahuzac était coupable ou non. Je n'ai pas fait d'analyse philosophique sur ses dénégations."

Source : Reuters
©Crédit photo : REUTERS/Benoît Tessier

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