Au Nigeria, une start-up s’attaque aux chômeurs

Encore étudiant, Ayodeji Adewunmi, s’est lancé dans la création d’entreprise avec une source d’inspiration inattendue: le chômage, qui touche plus d’un jeune sur trois au Nigeria...

"Notre mission était de créer la plus grande liste d’annonces d’emplois de tout le pays", explique Ayodeji Adewunmi. Et il a atteint son but : son entreprise, Jobberman.com, est aujourd’hui le premier site d’offres d’emploi au niveau national. Il emploie plus de 50 personnes et quelque 9.000 entreprises y déposent des offres.

Son histoire est un bon exemple des possibilités qu’offre le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, mais aussi des difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes entrepreneurs - et les Nigérians d’une façon générale.

Dans le bâtiment de deux étages qui sert de bureau à Jobberman, dans le quartier résidentiel huppé de Lekki, à Lagos, une faune de jeunes cadres motivés s’active dans une ambiance bon enfant. "Nous manquions de tout : de capitaux, comme d’un réseau de relations", raconte-t-il en se remémorant ses débuts. Deux éléments cruciaux dans un des pays les plus corrompus au monde.

"Démarrer une entreprise de taille moyenne sans l’aide d’un 'parrain' bien placé peut relever de l’impossible au Nigeria, notamment dans des secteurs comme celui du pétrole", raconte M. Adewunmi. Alors s’il a choisi Internet, c’est parce que c’est un secteur qui est "très peu voire pas du tout lié à l’establishment".

Un de ses amis avait déjà développé un concept d’offres d’emploi en ligne mais ne l’avait jamais mis en oeuvre ; M. Adewunmi s’en est chargé. Il y avait clairement un marché : quelque 37,5% des Nigérians âgés de moins de 25 ans sont sans emploi, selon le bureau national des statistiques.

Dans un rapport en 2010, la Banque mondiale a relevé le nombre croissant de chômeurs parmi les jeunes au Nigeria, malgré la mise en place de réformes économiques depuis la fin des dictatures militaires en 1999. L’économie croît, mais la pauvreté a empiré, selon les chiffres officiels, notamment parce que le pétrole reste la principale richesse du pays et que ce secteur ne génère que très peu d’emplois. Le chômage des jeunes est une véritable bombe à retardement, le risque étant que la jeunesse désoeuvrée se tourne vers la criminalité et vers des mouvements extrémistes, en l’absence de perspectives d’avenir.

Une autre tendance a joué en sa faveur : l’usage croissant d’Internet, grâce à la pénétration spectaculaire du téléphone portable sur le marché nigérian ces dix dernières années. En 2009, alors que ses professeurs de l’université Obafemi Awolowo, dans le sud du pays, se sont mis en grève, M. Adewunmi profite de son temps libre pour créer Jobberman. Dans un pays de plus de 160 millions d’habitants, le nombre d’utilisateurs potentiels d’un tel site est énorme, ce qui attire l’attention des investisseurs.

Six mois après le lancement du site en août 2009, un investisseur nigérian contacte la compagnie, suivi, plus tard, par Tiger Global Management, un fond d’investissement basé aux Etats-Unis qui avait investi dans Facebook et LinkedIn bien avant leur succès actuel. Tiger Global n’a pas souhaité commenter, et M. Adewumni a refusé de révéler le montant de cet investissement.

Pour l’instant, Jobberman ne fait pas de profit, mais à terme, ses revenus proviendront de la publicité et d’un accès payant récemment introduit.

Grâce à Jobberman, Tomi Orunmuyi, diplômé en ingénierie électrique de 26 ans, a trouvé son poste chez Fun Mobile, une société pour laquelle il crée notamment des sonneries de portable. "Plein de gens utilisent (ce site), ils ont plein d’offres d’emploi", s’enthousiasme-t-il. Au moment où il a eu recours à Jobberman, l’accès au site était gratuit. Avec le nouveau système, les candidats doivent s’acquitter d’un abonnement de 500 nairas (2,5 euros) par mois pour avoir accès à toutes les offres d’emploi.

La population nigériane, échaudée par de nombreuses arnaques Internet, redoute les paiements en ligne. Mais, selon M. Orunmuyi, "ils n’ont pas vraiment d’autre choix". L’université, comme celle d’Ilorin, dans le centre du pays, où il a étudié, n’aide guère les jeunes à s’orienter sur le marché de l’emploi et à rencontrer les bonnes personnes. "On est livrés à nous-mêmes" une fois le diplôme en poche.

Source : AFP
©Crédit photo : Pius Utomi Ekpei - AFP

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