L'Union européenne adopte un budget d'austérité

Les dirigeants européens ont conclu vendredi, après 24 heures de négociations, un accord sur leur budget pour 2014-2020, pour la première fois en baisse, confirmant l'entrée des institutions européennes dans une austérité qui a gagné tout le continent...

Si les Vingt-Sept ont préservé l'essentiel des politiques traditionnelles de l'UE (politique agricole commune et cohésion), ils ont revu à la baisse leurs ambitions initiales concernant les dépenses dites d'avenir (amélioration de la compétitivité, recherche, innovation, réseaux de communication, etc.).

Le président du Conseil européen, qui a rallié leur adhésion à une enveloppe de 960 milliards d'euros de crédits d'engagement en baisse de 3,4% par rapport à 2007-2013, a admis que ce n'était pas le "budget parfait pour tout le monde". Mais "il est tourné vers l'avenir, réaliste et guidé par des préoccupations pressantes", a ajouté Herman Van Rompuy lors d'une conférence de presse. "Nous ne pouvions simplement pas ignorer les réalités économiques extrêmement difficiles de l'Europe."

François Hollande, qui s'était fait le champion d'un budget ambitieux, a jugé que c'était "le meilleur compromis possible", compte tenu des circonstances, et a néanmoins estimé avoir atteint ses principaux objectifs. La France juge avoir limité les dégâts concernant la Politique agricole commune (PAC), qui était dans le collimateur de nombre de ses partenaires, en premier lieu le Royaume-Uni, qui a mené ces derniers mois une bataille acharnée pour obtenir le maximum de coupes budgétaires.

Si l'enveloppe proposée pour l'agriculture et la pêche (près de 373,5 milliards d'euros) est en recul de 47,5 milliards par rapport au budget 2007-2013, elle est supérieure de 1,25 milliard par rapport à la mouture de novembre dernier. La France a droit en outre à un bonus d'un milliard d'euros au titre de l'aide au développement rural, et l'Italie de 1,5 milliard. François Hollande a assuré que les agriculteurs français ne seraient pas pénalisés : il a fait valoir que les aides directes touchées par ces derniers atteindraient environ 47 milliards d'euros au lieu de 48,9 milliards pour la période 2007-2013.

Les Français estiment aussi avoir atteint leur objectif en obtenant que leur contribution au financement des divers "rabais" - dont celui du Royaume-Uni, arraché en 1984 par Margaret Thatcher - soit plafonné à 1,6 milliard d'euros.

Pour sa part, alors que la presse britannique fanfaronnait à Londres en saluant une victoire diplomatique "historique" de son Premier ministre, David Cameron s'est vanté d'avoir eu gain de cause en matière de réduction des dépenses communautaires. "Notre problème majeur était que la carte de crédit de l'Union européenne avait une limite trop élevée", a-t-il dit. "Beaucoup de gens souhaitaient la relever encore. Enfin, quelqu'un est arrivé pour dire: 'il est temps que cela cesse'."

Il aura fallu plus de 24 heures de négociations non stop à Bruxelles, dont une nuit blanche, pour surmonter divergences de fonds et multiples revendications nationales. Les Vingt-Sept semblent avoir quelque peu perdu en chemin les ambitions qu'ils affichaient l'an dernier lorsqu'ils concluaient un "pacte de croissance" prévoyant 120 milliards d'euros d'investissements.

L'enveloppe consacrée aux politiques d'amélioration de la compétitivité et de soutien à la croissance et à l'emploi est certes augmentée de plus de 34 milliards d'euros, à 125,6 milliards, par rapport à la période 2007-2013. Mais la Commission européenne avait initialement proposé 164,3 milliards et Herman Van Rompuy 139,5.

Selon une source de la délégation française, François Hollande et David Cameron se sont rencontrés vers trois heures du matin en présence de la chancelière allemande Angela Merkel, qui a joué un rôle d'arbitre. Le Français et le Britannique ont croisé le fer sur l'enveloppe des crédits de paiement - ce que l'UE envisage de débourser effectivement sur la période - avant de trouver un compromis à 908,4 milliards d'euros.

Selon cette source, David Cameron avait fait un "objectif politique" de la réduction de ces crédits et la négociation s'est faite milliard par milliard. "Cameron ne voulait pas aller au delà de 906 milliards, et puis après il ne voulait plus aller au delà de 907, puis de 908, jusqu'à ce que l'on arrive à 908,4 milliards."

L'écart entre les crédits de paiement (908,4 mds) et d'engagement (960 mds) inquiète le Parlement européen, qui réclame une flexibilité comptable dans l'exécution du budget afin que les programmes en cours puissent être correctement financés. Ce degré de flexibilité était l'un des derniers sujets à régler avant de parvenir à un accord.

"Si vous adoptez des engagements qui sont considérablement plus importants que les paiements, vous augmentez le déficit et je pense que c'est inacceptable. Je suis abasourdi que personne ne prenne cela sérieusement", avait averti jeudi le président du Parlement européen, Martin Schulz. Ce dernier a brandi la menace d'un vote à bulletins secrets des députés européens pour censurer le texte, ce qui ouvrirait une crise et une nouvelle période de laborieuses tractations. Il reste donc à convaincre les députés européens.

Source : Reuters
©Crédit photo : REUTERS/François Lenoir

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