L'Elysée entend étaler le "choc de compétitivité"

Le gouvernement français prendra bien d'ici fin 2012 des décisions pour relancer la compétitivité des entreprises françaises mais recule devant l'idée d'un "choc" massif, dont il estime ne pas avoir les moyens en raison de la crise. Les entreprises réclament une réduction massive des charges sociales patronales pour regagner des marges de manœuvre dans la compétition mondiale en réduisant le coût du travail, une des composantes, mais pas la seule, de la compétitivité...

"Le mot 'choc' ne me paraît pas être un mot valable", a cependant déclaré mercredi soir le ministre de l'Economie après une réunion interministérielle sur ce dossier autour de Jean-Marc Ayrault. "Ce qu'il faut définir c'est autre chose. L'économie française n'a pas besoin de choc, elle a besoin d'accompagnement, elle a besoin de redressement."

"Le Premier ministre, dans la réunion, a parlé d'une trajectoire de compétitivité. C'est cette trajectoire de compétitivité, sur la durée du mandat, que nous allons définir", a ajouté Pierre Moscovici. L'entourage du chef de l'Etat avait auparavant confirmé une partie des informations publiées par Le Monde selon lesquelles l'Elysée envisage d'étaler sur plusieurs années un transfert sur l'impôt d'environ 40 milliards d'euros de cotisations familiales payées par les employeurs, plutôt que de procéder en une fois.

"Plutôt que d'avoir un choc de compétitivité, on veut une stratégie de compétitivité, un agenda sur la durée des trois ans qui viennent", explique-t-on à l'Elysée. "On ne fera pas un allègement d'un coup." La question du coût du travail, qui cristallise une grande partie du débat sur la compétitivité, paraît à la fois incontournable et potentiellement embarrassante pour le président François Hollande et sa majorité de gauche.

Un étalement du transfert de cotisations permettrait de ne pas trop charger la barque de ménages déjà mis à forte contribution en 2013 par la politique de réduction des déficits publics conduite par le gouvernement. "On ne peut pas faire de transfert de charges massif dès cette année" compte tenu des efforts déjà demandés aux ménages et aux entreprises, a souligné la ministre déléguée aux PME, Fleur Pellerin, à la sortie du conseil des ministres.

La présidence convient cependant qu'il y aura un ensemble de mesures dès 2013. Selon les services du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, les premières seront décidées lors d'un séminaire gouvernemental consacré au sujet, dans la foulée de la remise d'un rapport sur la compétitivité commandé à Louis Gallois. Selon Pierre Moscovici, l'ex-patron de la SNCF et d'EADS rendra ses conclusions le 5 novembre.

L'Elysée ne confirme en revanche pas le montant de 40 milliards d'euros - ou huit à 10 milliards par an - évoqué par Le Monde, même si l'ordre de grandeur "n'est pas absurde". Ce chiffre de 40 milliards n'est autre que le milieu de la fourchette avancée en juillet par Louis Gallois.

"Il s'agit de transférer 30 à 50 milliards pour avoir un effet significatif" et créer une "onde de choc" en faveur des entreprises, expliquait-il lors des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, en plaidant pour la fin des "demi-mesures".  L'Elysée ne confirme pas non plus l'information du Monde selon laquelle la piste la plus sérieusement étudiée par l'exécutif serait celle d'un basculement de ces charges vers la contribution sociale généralisée (CSG).

"Aucune option n'est rejetée à part la TVA sociale à ce stade", a pour sa part déclaré Fleur Pellerin. Le transfert de 5,4 points de cotisations familiales est exactement ce à quoi était destinée l'augmentation de 1,6 point du taux normal de TVA votée à la fin du précédent quinquennat, qui devait entrer en vigueur ce 1er octobre mais qui a été abrogée par la nouvelle majorité.

Le périmètre du transfert n'est pas tout à fait le même. Selon le Monde, l'allègement envisagé par l'Elysée ciblerait les salaires entre 1,6 et 2,2 smic, pour en faire bénéficier les entreprises exposées à la concurrence internationale. Le mécanisme voté sous la présidence de Nicolas Sarkozy prévoyait de supprimer totalement ces cotisations jusqu'à 2,1 smic, puis partiellement jusqu'à 2,4 smic. Le retour sous une autre forme de cette "TVA sociale" divise à gauche et suscite des ricanements à droite.

Il est ainsi jugé "aberrant" par des élus socialistes, pourtant proches du nouvel exécutif. "C'est totalement inopportun dans la conjoncture actuelle", a ainsi dit à Reuters le député et économiste Pierre-Alain Muet. "Je ne comprends pas ce débat." "La conjoncture ne permet pas de faire un transfert des cotisations patronales sur les ménages, quel que soit la forme de ce transfert, que ce soit sous forme de TVA ou de CSG", a-t-il ajouté. "Je sais qu'au sein du cabinet de l'Elysée des économistes compétents sont sur la même position que moi." Pour Pierre Alain-Muet "ce soi-disant choc de compétitivité" mettrait également "complètement à mal" la cohérence du budget 2013 - "Je n'ai pas cessé de le dire au gouvernement. Un certain nombre de ministres l'ont bien compris", souligne-t-il.

Un avis partagé par sa collègue Karine Berger, une autre économiste dont les réflexions ont nourri François Hollande pendant sa campagne présidentielle. "On est face à une vraie difficulté de demande", a déclaré à Reuters la secrétaire nationale à l'économie au PS. "Le projet de budget préserve au maximum la consommation des ménages modestes et moyens. Tout choix pour relancer la compétitivité du pays ne doit pas contrecarrer cet objectif prioritaire."

A droite, l'ancienne ministre UMP Valérie Pécresse a critiqué l'intention prêtée au gouvernement d'utiliser la CSG. "La hausse de la CSG, c'est une feuille de paye qui baisse à la fin du mois, c'est une retraite qui baisse à la fin du mois", a-t-elle dit sur France 3. "Ce sera très injuste."

Syndicats et patronat entament pour leur part jeudi des négociations sur le volet marché du travail, qui touche à la "compétitivité hors prix". Le chef de l'Etat leur a donné jusqu'à fin décembre pour parvenir à un "compromis historique".

©Crédit photo : REUTERS/Andrew Winning

Source : Reuters

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