L'Europe s'apprête à poser les bases d'une union bancaire

La Commission européenne va proposer la semaine prochaine aux Etats de la zone euro d'accorder à la Banque centrale européenne (BCE) le pouvoir de réglementer, de sanctionner et éventuellement de fermer des banques dans le cadre du projet d'union bancaire censé contribuer à résoudre la crise de la dette...

Cette démarche vise à empêcher que les difficultés subies par certains établissements, comme l'espagnol Bankia en ce moment, n'aggravent la crise en obligeant les Etats à renflouer le secteur, tout en contribuant à renforcer l'intégration économique jugée nécessaire pour assurer la pérennité de l'euro.

Le président de l'exécutif communautaire, José Manuel Barroso, devrait donc proposer mercredi que la BCE supervise les quelque 6.000 banques de la zone euro, donc qu'elle prenne le pas sur les autorités nationales existantes.

Les nouveaux pouvoirs de la BCE pourraient lui permettre de surveiller étroitement la situation de liquidité des banques et d'imposer à celles-ci des règles plus dures en matière de fonds propres, selon un projet de propositions publié sur internet par le journal italien Il Sole de 24 Ore.

La constitution d'une véritable union bancaire suppose des abandons de souveraineté de la part des Etats, une perspective qui suscite la suspicion de certains responsables politiques dans plusieurs pays.

La Grande-Bretagne a déjà annoncé qu'elle resterait à l'écart du projet, même si de nombreuses banques basées à Londres et disposant d'importantes activités dans la zone euro sont affectés par un éventuel changement des règles. 

Si elle obtient des Etats les nouveaux pouvoirs envisagés, la BCE pourrait obliger une banque en difficulté à fermer purement et simplement. Dans le projet les responsables de la Commission écrivent : "La BCE devrait (...) avoir pour tâche de délivrer des licences aux institutions de crédit et devrait être responsable du retrait des licences". Les autorités nationales seraient associées aux processus.

L'Allemagne a déjà manifesté son opposition à une supervision de l'ensemble des banques de la zone euro par la BCE : pour Berlin, la banque centrale ne sera pas en mesure de surveiller les 6.000 établissements concernés. Mais la Commission réplique que même de petites banques peuvent déclencher des crises, en rappelant l'exemple de Northern Rock en Grande-Bretagne.

Le projet révélé par Il Sole prévoit un étalement de la réforme de la supervision sur un an et précise que la BCE pourrait commencer à superviser la moitié des banques de la zone euro dès la mi-2012. Cette démarche permettrait au futur Mécanisme européen de stabilité (MES) de recapitaliser directement des banques, ce qui pourrait bénéficier à l'Espagne et à son secteur financier.

Une fois cette étape franchie, la CE prévoit de lancer la création d'un mécanisme européen de démantèlement pour les banques les plus en difficulté et un renforcement de la garantie des dépôts. Ces mécanismes sont jugés indispensables à la création d'une union bancaire réelle et efficace mais leur mise en place prendra du temps et nécessitera de modifier des traités. "Tous ceux qui croient que cela peut être bouclé d'ici la fin de cette année ont fumé quelque chose. Ce sera très compliqué", souligne Graham Bishop, un consultant spécialisé dans la politique européenne.

La BCE a identifié 30 banques jugées vitales pour la zone euro et de son côté l'influent cercle de réflexion Bruegel estime qu'environ 200 établissements de crédits regroupant 95% des actifs bancaires de la zone euro devraient être placés sous la supervision directe de la BCE. Les experts de l'UE prévoient que la surveillance au jour le jour des banques de plus petite taille sera déléguée aux autorités nationales.  

Les réserves de Berlin pourraient retarder la mise en place de ce schéma au-delà de 2013. "Le fait que le plus important gouvernement émette des objections avant même que la Commission ait fait des propositions n'est pas une bonne chose", constate Ken Wattret, économiste de BNP Paribas. "Si les négociations calent, ce sera problématique, notamment pour l'Espagne".

Les grandes banques, elles, suivent l'évolution du débat avec appréhension. "Le secteur ne veut pas d'une fragmentation des règles avec des différences selon que l'on est à l'intérieur ou à l'extérieur", explique Andrew Gowers, porte-parole de l'Association pour les marchés financiers en Europe qui représente des groupes comme Deutsche Bank ou HSBC.

Source : Reuters

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