Colère dans le monde musulman après le film sur Mahomet

Deux jours après l'attaque du consulat de Benghazi, que Washington soupçonne d'avoir été planifiée et organisée en amont, des ambassades américaines ont à nouveau été jeudi la cible de manifestations de colère déclenchées par la diffusion sur internet d'un film islamophobe réalisé aux Etats-Unis...

Plusieurs centaines de jeunes manifestants ont pris d'assaut l'ambassade des Etats-Unis à Sanaa, la capitale du Yémen. L'attaque a fait un mort et 15 blessés selon des sources médicales. Le personnel de la mission est sain et sauf, a dit un porte-parole de l'ambassade joint par téléphone.

En Egypte, où des premiers incidents avaient éclaté mardi soir, des manifestants ont jeté des pierres contre les forces de police leur barrant l'accès à l'ambassade américaine, qui est restée fermée. Le ministère de la Santé a fait état de 70 blessés.

Des rassemblements de protestation ont également eu lieu à Tunis mercredi soir, puis en Iran et au Bangladesh jeudi. Une milice chiite irakienne a menacé de s'en prendre aux intérêts américains et les autorités afghanes ont fermé indéfiniment le site internet YouTube afin de minimiser les risques de violence.

De nouvelles manifestations sont attendues à travers le monde arabo-musulman à l'occasion des prières hebdomadaires du vendredi, notamment en Egypte à l'appel des Frères musulmans ou au Nigeria, où la police est "en alerte rouge".

Le président égyptien, Mohamed Morsi, et d'autres gouvernements ont lancé des appels au calme, soucieux d'éviter une répétition des violences qui avaient accompagné en 2006 la publication de caricatures de Mahomed dans un journal danois, faisant une cinquantaine de morts.

Le président Barack Obama a donné l'ordre à son administration de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour assurer la protection et la sécurité des ressortissants américains à l'étranger. De leur côté, les autorités libyennes ont annoncé que plusieurs personnes avaient été arrêtées dans le cadre l'enquête sur l'attaque menée à Benghazi, mardi soir. Les Américains ont dépêché deux contre-torpilleurs au large des côtes libyennes et envoyé 50 membres d'une unité antiterroriste des "marines" à Tripoli, pour assurer la sécurité de la mission. 

L'ambassadeur Christopher Stevens, 52 ans, et trois autres Américains ont péri mardi soir, jour anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, après l'attaque lancée par des hommes armés contre le consulat puis une villa où une partie du personnel diplomatique avait été rassemblée dans l'attente de son exfiltration. Une foule en colère s'était rassemblée devant le consulat pour dénoncer la diffusion sur internet d'une vidéo réalisée aux Etats-Unis et jugée insultante pour le prophète Mahomet. Le consulat a été envahi et incendié. L'ambassadeur s'est retrouvé isolé dans le bâtiment et a apparemment succombé aux émanations de fumées toxiques. Outre l'ambassadeur, figurent parmi les morts américains Sean Smith, un spécialiste des technologies de l'information, qui aurait également péri dans le consulat, et deux autres hommes, dont un militaire, morts lors de l'attaque de la villa.

Barack Obama a promis que les responsables de l'attaque de Benghazi seraient retrouvés pour rendre des comptes à la justice. Il s'est entretenu au téléphone avec le président de l'Assemblée nationale libyenne, Mohamed Magarief, et les deux hommes se sont engagés à coopérer étroitement pour retrouver et punir les coupables.

Certains éléments évoquent l'implication du mouvement armé Ansar al Charia, "les Partisans de la loi islamique", et de membres d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dit-on à Washington. "Cela porte la marque d'une attaque organisée", a affirmé un membre de l'administration américaine.

Christopher Stevens est le premier ambassadeur des Etats-Unis tué en poste depuis 1979, quand Adolph Dubs, l'envoyé américain à Kaboul, avait péri lors d'une tentative de rapt.

Le film à l'origine des violences présente le prophète Mahomet comme un imbécile, un homme à femmes et un imposteur. Intitulé "Innocence of Muslims" ("L'innocence des musulmans"), diffusé depuis plusieurs semaines sur internet, il aurait été produit par un promoteur immobilier israélo-américain qui vit en Californie, un certain Sam Bacile, peut-être un pseudonyme.

Cindy Lee Garcia, une actrice californienne qui apparaît dans la vidéo, affirme avoir été trompée sur la véritable nature du film. Elle a dit avoir répondu l'an dernier à une annonce pour un film intitulé "Desert Warrior" ("Le guerrier du désert"), présenté comme un film historique à petit budget se déroulant dans le désert d'Arabie.

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a dénoncé jeudi le caractère "écoeurant" et répréhensible de la vidéo et souligné que l'administration Obama en rejetait le contenu et le message. L'Arabie saoudite ainsi que le président égyptien Mohamed Morsi, en déplacement à Bruxelles, ont condamné à la fois le caractère blasphématoire de la vidéo et le recours à la violence. Le président afghan, Hamid Karzaï, qui a annulé un voyage en Norvège en raison de la tension, a qualifié la fabrication du film d'acte "diabolique" tout en se disant certain que la production n'impliquait qu'un nombre très restreint d'individus.

L'attaque du consulat de Benghazi pourrait avoir des répercussions sur la politique intérieure américaine, en pleine campagne en vue de l'élection présidentielle du 6 novembre. En attaquant la politique étrangère de Barack Obama, le candidat républicain Mitt Romney est non seulement accusé d'avoir réagi avec une précipitation peu conforme à l'attitude espérée d'un chef d'Etat en période de crise. Il est surtout taxé d'opportunisme électoral par ses adversaires, qui lui reprochent d'avoir enfreint le principe de l'unité nationale autour du président.

©Crédit photo : REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

Source : Reuters

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