L'exécutif rejette le recours à l'armée à Marseille

François Hollande a rejeté jeudi l'appel d'une élue socialiste à l'armée pour lutter contre le crime à Marseille, où les règlements de compte liés au trafic de drogue se multiplient. La situation à Marseille est une priorité pour le gouvernement mais c'est à la police et la justice qu'il appartient d'y lutter contre la criminalité, a dit le président français en déplacement à Madrid...

Les problèmes de Marseille seront évoqués à Matignon jeudi prochain lors d'un comité interministériel sous la présidence de Jean-Marc Ayrault, apprend-on auprès des services du Premier ministre.

Deux nouvelles fusillades ont fait deux morts en moins d'une semaine dans la cité phocéenne, portant à 19 le nombre de règlements de comptes enregistrés depuis le début de l'année dans les Bouches-du-Rhône. En 2011, une vingtaine de règlements de comptes, liés pour la plupart au trafic de drogue, ont été recensés dans le département, faisant 16 morts dont 15 à Marseille.

"Les tueries qui se succèdent à Marseille deviennent une attraction médiatique nationale", déplore Samia Ghali, sénatrice PS et maire des 15 et 16e arrondissements, qui recouvrent des quartiers sensibles du nord de la ville. "La vérité, c'est qu'aujourd'hui le premier employeur des jeunes dans certaines cités, c'est le trafic de stupéfiants. Si rien ne bouge, on se dirige tout droit vers un système à l'américaine avec des gangs qui se font la guerre sur des territoires où la loi n'a plus cours", ajoute-t-elle dans un entretien que publie jeudi le quotidien régional La Provence.

Si elle estime que la création de zones de sécurité prioritaires est un "premier pas", l'élue juge aussi que seul un recours à l'armée peut ramener le calme dans les cités "gangrenées par la drogue". "Aujourd'hui, face aux engins de guerre utilisés par les réseaux, il n'y a que l'armée qui puisse intervenir. Pour désarmer les dealers d'abord. Et puis pour bloquer l'accès des quartiers aux clients comme en temps de guerre, avec des barrages. Même si cela doit durer un an ou deux", dit-elle.

Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls n'a pas tardé à répondre, écartant fermement tout recours à l'armée. "Je comprends l'appel au secours de la sénatrice Samia Ghali mais il est hors de question que l'armée puisse répondre à ces drames et à ces crimes. Il n'y a pas d'ennemi intérieur et pour s'attaquer au trafic de drogue, au banditisme, a ces règlements de comptes, au trafic d'armes, il faut une action en profondeur de la police et de la justice car les deux vont de pair", a dit le ministre de l'Intérieur à des journalistes dans la cour du ministère de l'Intérieur.

"Marseille est pour moi, et d'abord pour le Premier ministre et le gouvernement, une priorité qui mérite une réponse dans tous les aspects", a déclaré Manuel Valls. "Cette ville, la deuxième ville de France, a besoin du soutien et de la protection de l'Etat", a-t-il ajouté. "La situation de Marseille (...) mérite une réponse globale et particulièrement forte".

François Hollande a appuyé son ministre lors d'une conférence de presse à Madrid après une rencontre avec le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. "L'armée n'a pas sa place pour contrôler des quartiers de notre République", a-t-il dit en se disant prêt à "renforcer les capacités" des forces de l'ordre à Marseille.

Les travaux interministériels sur un "programme d'action pour l'agglomération marseillaise" ont débuté depuis l'annonce début août par Manuel Valls des 15 premières zones de sécurité prioritaires, précise-t-on à Matignon. Ces zones, parmi lesquelles les quartiers nord de Marseille, feront l'objet d'une action de sécurité renforcée pour y combattre la délinquance et y protéger la population.

Les propos de Samia Ghali ont fait réagir Manuel Valls mais aussi le sénateur-maire UMP de la ville, Jean-Claude Gaudin, qui les a qualifiés d'"irresponsables" et a profité de l'occasion pour critiquer la politique du gouvernement en matière de sécurité. "Marseille a besoin de renforts de police, pas d'un appel à la guerre civile", écrit Jean-Claude Gaudin dans un communiqué.

"Les règlements de comptes qui se sont déroulés ces derniers mois, sur fond de trafic de drogue, dans les quartiers sud et nord de Marseille, montrent que 'la guerre des cités' se poursuit et s'amplifie dans la deuxième ville de France. Cette recrudescence des actes de violence armée exige une réponse ferme et adaptée du gouvernement, qui aille au-delà des effets d'annonce de la création de zones de sécurité prioritaires", ajoute-t-il. La seule réponse réaliste, estime le maire de Marseille, est d'augmenter les effectifs de police déployés sur le terrain.

Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) a également réagit dans un communiqué de presse aux différentes fusillades ayant eu lieu ces derniers temps : "Plutôt que perdre son temps dans un énième comité interministériel, il est urgent que M. Vall et M. Le Drian organisent la collaboration entre la police et l'armée pour intervenir à Marseille. Il ne s’agit en rien de lancer une guerre contre ses quartiers mais de mener à bien une opération extrêmement précise, limitée dans le temps et républicaine pour désarmer intégralement et démanteler les gangs. Cette action sera menée en étroite collaboration avec la police et la justice. En effet, une telle mission ne doit pas être un coup d’éclat isolé mais une étape préalable et indispensable à la reconquête des territoires perdus de la République et à la libération de ses habitants du joug du crime organisé".

©Crédit photo : REUTERS/Jean-Paul Pélissier

Source : Reuters

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